XIXe siècle
Agrégation Lettres 2018
N° 17, automne 2017

Christophe Ippolito

La Fabrique du discours politique sur 1848 dans L’Éducation sentimentale

  • 1 Gustave Flaubert, Correspondance, t. 3, édition de J. ...

1Dans une lettre de 1868 à Jules Duplan, Flaubert expose ses difficultés à composer la partie de L’Éducation sentimentale qui concerne 1848 (soit l’essentiel de la troisième partie du roman) : « […] j’ai bien du mal à emboîter mes personnages dans les événements politiques de 48 ! » Car dans le processus d’écriture du roman, un des objectifs principaux du romancier semble être de mettre en valeur des personnages qui n’ont en soi pas grand-chose de remarquable, à la différence des personnages historiques qui ont eu des rôles importants en 1848 : « Les personnages de l’histoire sont plus intéressants que ceux de la fiction, surtout quand ceux-là ont des passions modérées. On s’intéressera moins à Frédéric qu’à Lamartine ? » Cette difficulté n’est pas limitée aux personnages : « J’ai peur que les fonds ne dévorent les premiers plans. C’est là le défaut du genre historique ». L’histoire dont le lecteur est familier peut le détourner de la fiction, et il peut mesurer celle-ci à l’aune de celle-là, qui écraserait la fiction sous le poids de la réalité. Dès lors, Flaubert se pose la question : « quoi choisir parmi les Faits réels ? Je suis perplexe. C’est dur1 ! ». Dans cette perspective il s’agira ici d’examiner le processus de sélection des faits réels et des représentations qui en sont données dans la presse et les livres sur la Révolution de 1848, en analysant les notes sur cette révolution que Flaubert a prises pour le roman, mais aussi de mieux cerner le point de vue de Flaubert sur cette révolution tel qu’il apparaît dans ses lettres contemporaines de l’écriture du roman.

Les notes du dossier « République de 1848 »

  • 2 G. Flaubert, Les dossiers documentaires de Bouvard et ...

  • 3 É. Le Calvez, « “République de 1848” », Éditer le chan...

2Dans l’ensemble de 73 folios (g226, vol. 4, folios 133-204) que constituent les notes que Flaubert a prises sur la République de 1848 pour L’Éducation sentimentale, et qu’il a reversées dans son dossier de préparation pour Bouvard et Pécuchet (elles se trouvent aujourd’hui dans le quatrième volume des dossiers de Bouvard et Pécuchet, en ligne2), nous avons sélectionné le sous-ensemble constitué par les folios suivants : outre les folios portant les titres, « République de 1848 » (f° 133r°), « République de 1848 – résumés » (f° 134r°), les résumés chronologiques pour 1848-1851 (f° 135r° - f° 137b r°), les notes pour 1848 (février et juin ; f° 138r° - f° 141r°), mais non pas les versos des folios 140 et 141 qui sont des morceaux de brouillons de L’Éducation sentimentale ; les notes provenant des carnets (f° 142r° - f° 156r°) ; les notes sur février 1848 (f° 157r° - f° 159r°) ; et les résumés des événements (f° 164r° - f° 165v°). Autrement dit, dans le Tableau 1 pour la description du corpus « République de 1848 » établi par Éric Le Calvez3, nous avons sélectionné les folios 133r° - 165v°, folios f° 160r° - f° 163r° non compris (ces derniers folios sont des allographes écrits par Maurice Schlésinger ou plutôt selon toute vraisemblance sa femme sur un « Club de femmes en Mars 1848 »).

3Flaubert s’intéresse d’abord aux discours sur les insurgés dans la presse conservatrice, ainsi dans le folio suivant :

– « Pas de bravoure à combattre derrière des barricades. tous des lâches. »
– « 12 mille forçats dans l’insurrection »
Dans les hôpitaux, les insurgés se relèvent de leur lit pr aller étrangler les mobiles
prétendues inscriptions de leurs drapeaux: pillage « mort aux riches! » « Bon pr deux dames.- » « trois heures de robe de soie » « du pain ou la mort. » « vainqueurs le pillage, vaincus l’incendie. »
demandaient à partager 30 millions & la tête de Cavaignac Leur cri de ralliement était « mort aux riches nous les brûlerons ! »
Dans les Campagnes les femmes Confectionnaient des sacs de pillage.
(Cote g226 - vol. 4 - f° 139 - Recto)

4Prenons maintenant l’exemple d’un folio qui contient des notes sur un seul journal, Le Constitutionnel, fondé par Joseph Fouché sous les Cent-Jours, et qui fut un soutien influent du Second Empire : « les insurgés demandaient 30 millions à partager entre les combattants démocrates – la tête de Cavaignac etc / Se font honneur de se faire appeler forçats – appelle-moi forçat” / […] / Leur cri de ralliement était mort aux riches ! nous les brûlerons !” » (Cote g226 - vol. 4 - f° 142 - Verso). Ce journal faisait la propagande du parti conservateur et propageait le nécessaire pour discréditer le mouvement et le gouvernement nés en février 1848. Flaubert a également pris des notes dans des livres sur 1848, ainsi Le spectre rouge de 1852, célèbre livre conservateur d’Auguste Romieu paru chez Ledoyen en 1851 à Paris. Voici un folio de notes sur ce livre, folio intitulé « Le spectre rouge. de 1852. 3e édit. 1851. Ledoyen – Romieu » :

Je crois à des besoins sociaux. non à des besoins naturels. Le mot droit n’a aucun sens pr mon esprit. il est d’invention humaine & à ce titre, il m’est suspect.
Conseille de massacrer en masse les socialistes comme les gentilshommes le firent des Jacques.
« Le canon seul peut régler les questions de notre siècle. – & il les réglera dût-il arriver de Russie »
haine des avocats. « qq jeune homme ayant terminé l’absurde noviciat que nous nommons les classes »
appelle la loi de 1833 sur l’instruction primaire (par Guizot) une loi fatale.
Accuse les bourgeois d’avoir fait le mal « vous avez sacré en qq sorte les fils de votre église, l’École de droit inconnue à St Louis sous son arbre de Vincennes »
« Il semble dès que les hommes sont réunis en masse, qu’un magnétisme de bêtise et de vulgarité se développe, & change subitement d’honnêtes gens en crétins & en furieux » 92.
Je bénirai le ciel si je puis voir tomber d’un seul coup la chaire menteuse de nos philosophes & les tribunes de tout rang qu’ils ont édifiés [sic] (99)
(Cote g226 - vol. 4 - f° 203 – Recto)

5Ce qui frappe d’abord ici est la violence des propos relevés. Sont prônés l’utilisation du canon, les massacres. Ensuite, on peut relever les critiques contre l’instruction, les lettres, la philosophie, et plus spécifiquement la loi de 1833 sur l’instruction primaire. On retrouve des critiques contre cette loi un peu partout dans les écrits conservateurs.

  • 4 G. Flaubert, L’Éducation sentimentale, éd. P.-M. de Bi...

6À quoi Flaubert s’intéresse-t-il en particulier dans ses prises de notes ? Il retient la façon dont la gauche républicaine qualifie le capital : « Banquet du Châlet. / toast de Ledru-Rollin “contre l’infâme capital” » (Cote g226 - vol. 4 - f° 137b r°) ; « Mot de Raspail fils contre les banquiers qui ne devraient pas être ministres » (Cote g226 - vol. 4 - f° 137 r°). Il retient aussi la façon dont les conservateurs parlent du socialisme : « “la propriété, c’est le vol ! – comment ! ainsi moi, monsieur ... la propriété … ma propriété ! ...” – “si je tenais Proudhon, je crois que je l’étranglerais”/ Le mot socialisme vient de ceux qui s’en prennent à l’ordre Social » (Cote g226 - vol. 4 - f° 138 - Recto). Dans le roman, Jacques Arnoux se définit lorsqu’il rencontre Frédéric comme « propriétaire de l’Art industriel4 ». C’est à « [u]n propriétaire » anti-républicain qu’on entend dire : « C’est une classe d’hommes qui rêvent le bouleversement de la société ! », à quoi un autre répond : « Ils demandent l’organisation du travail ! […] Conçoit-on cela ? » (L’Éducation sentimentale, 257). L’organisation du travail était au cœur des revendications du camp de gauche. La propriété et la peur de la perdre, voilà bien un élément central de la Révolution de 1848 et du roman (immédiatement après ce passage est décrite la peur panique de Dambreuse) :

Alors, la Propriété monta dans les respects au niveau de la Religion et se confondit avec Dieu. Les attaques qu’on lui portait parurent du sacrilège, presque de l’anthropophagie. Malgré la législation la plus humaine qui fut jamais, le spectre de 93 reparut, et le couperet de la guillotine vibra dans toutes les syllabes du mot République ; – ce qui n’empêchait pas qu’on la méprisait pour sa faiblesse. La France, ne sentant plus de maître, se mit à crier d’effarement, comme un aveugle sans bâton, comme un marmot qui a perdu sa bonne. (441)

  • 5 Ces deux derniers mots sont soulignés dans le manuscrit.

7En prenant ses notes, Flaubert privilégie plutôt le point de vue de la gauche ; il note ce qui suit sur mai 48 : « violences des réactionnaires » (Cote g226 - vol. 4 - f° 136 - Recto) ; « violences de l’assemblée nationale & du Constitutionnel – tout le monde pense qu’ “il faut en finir” » (Cote g226 - vol. 4 - f° 165 - Verso) ; et il note aussi la montée de la violence sur l’autre bord politique telle qu’elle est vue par le camp conservateur : « la violence des clubs. on y discute l’insurrection » (Cote g226 - vol. 4 - f° 165 - Verso). Les bruits les plus absurdes sont également répandus sur le Gouvernement Provisoire : « Gouvernement Provisoire5. – orgies du Luxembourg. – purée d’ananas. L. Blanc a un hôtel dans le fg St Germain, & défend à son concierge de louer aux ouvriers. Ledru-Rollin chasse à Courre à Chantilly & doit 20 mil fr. à Spinelli, orfèvre. » (Cote g226 - vol. 4 - f° 139 - Recto).

  • 6 Ce dernier mot est souligné dans le manuscrit. Dans le...

  • 7 Ces trois derniers mots sont soulignés dans le manuscrit.

8Deux sentiments reviennent fréquemment dans ces notes : la haine et la peur dans le camp de la droite. Pour la haine donc, et pour 1850, les notes portent sur les points suivants : « haine des instituteurs primaires & de la philosophie. / nombre prodigieux d’instituteurs destitués » (Cote g226 - vol. 4 - f° 137 - Recto) ; « Haine de tout libéralisme. / Réaction religieuse / – instituteurs. – » (Cote g226 - vol. 4 - f° 137 - Recto) ; « Haine des réacs contre Carnot6. » (Cote g226 - vol. 4 - f° 138 - Recto). On retrouvera cette haine des instituteurs dans le roman (voir ci-dessous). Le dossier sur la peur qui génère cette haine est beaucoup plus fourni. Comme dans cette note, « Circulaire terrifiante de Ledru Rollin 12 mars » (Cote g226 - vol. 4 - f° 165 - Recto), la plupart des notes sont sur ce que la droite craint : « épouvante des riches » (Cote g226 - vol. 4 - f° 164 - Recto) ; « épouvante – Pendant tout 1850 on ne parle que de réviser la Constitution » (Cote g226 - vol. 4 - f° 137 - Recto) ; « 2o atrocité des insurgés7. vitriol dans les pompes à incendie. balles mâchées / vivres empoisonnées. mobiles sciés en deux – inscriptions de leur drapeaux pillage incendies & viol » (Cote g226 - vol. 4 - f° 138 - Recto) ; « – Ils sont capables de recommencer imagination de la Peur. Catacombes. signaux etc. » (Cote g226 - vol. 4 - f° 138 - Recto). Le thème central de l’imaginaire de la peur est développé dans le folio ci-dessous :

  • 8 Ces quatre derniers mots sont soulignés dans le manusc...

  • 9 Léon La Collonge, président du Club des Antonins, avai...

imaginations de la peur8 : Des ouvriers sont dans les Catacombes car on y entend du bruit & ils s’apprêtent à faire sauter tout le fg St Germain / ils vont couper les conduits à gaz, pr se livrer, dans les ténèbres, à un massacre général.
– des signaux qui se répondent d’un toit à l’autre – bruits dans les caves.
des orgues de Barbarie jouent des airs qui sont des avertissements secrets. – Des signes rouges apposés sur les maisons pr indiquer les futurs numéros indiquent que ces maisons sont bonnes à piller. -(Dans l’organisation du travail journal de / De la collonge9 on avait publié une liste des plus riches particuliers de Paris.) (Cote g226 - vol. 4 - f° 139 - Recto)

  • 10 Ce mot est souligné dans le manuscrit.

  • 11 Ce mot est souligné dans le manuscrit.

  • 12 J. Michelet, Le peuple, Paris, Flammarion, « GF », 19...

  • 13 J. Neefs, « Flaubert, sous Napoléon III », Comment me...

  • 14 J. Michelet, op. cit., p. 136.

  • 15 Ibid., p. 138.

  • 16 Ces deux derniers mots sont soulignés dans le manuscrit.

  • 17 P. Ricœur, « L’écriture de l’histoire et la représent...

9La peur et la haine du camp conservateur transforment dans ses journaux le peuple en barbares. La lutte contre l’invasion des barbares que constitue le mouvement populaire est donc légitimée : « 1o Soulagement10 – comme après une invasion de Barbares » (Cote g226 - vol. 4 - f° 138 - Recto) ; « violences11. / La Bourgeoisie soulagée comme après une invasion de Barbares. – Ivresse de reconnaissance pr les mobiles » (Cote g226 - vol. 4 - f° 139 - Recto). Michelet, dans un livre écrit deux ans avant la Révolution de 1848, revendiqua le nom de barbares pour le peuple, ces barbares ayant selon lui un « avantage naturel », celui d’avoir « plus de chaleur vitale12 ». On retrouve celle-ci dans le roman, ainsi dans la force et l’énergie de Dussardier13. Michelet a décrit comment la peur monte, grossit, comment elle explique la séparation entre bourgeoisie et peuple14, a plaidé contre la peur du peuple15. C’est au nom des valeurs conservatrices, au nom de la civilisation telle que la comprennent les conservateurs préoccupés d’ordre social que le peuple est dépeint comme Autre, comme barbare : « L’insurrection16. / « nouveaux Barbares sous les coups desquels la famille, la religion, la liberté, la patrie /la civilisation toute entière était menacée de périr » (Cote g226 - vol. 4 - f° 139 - Recto). Et Flaubert importe donc dans le roman, ici comme ailleurs, des fragments du réel (des articles de presse) qu’il va recomposer et réarranger. C’est ainsi qu’il trompe, en un sens, l’attente du lecteur : « C’est une attente du lecteur du texte historique que l’auteur lui propose un “récit vrai” et non une fiction17 ».

  • 18 François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tomb...

  • 19 A. Herschberg Pierrot, « Le travail des stéréotypes d...

10Il est des métaphores typiquement contre-révolutionnaires qui peignent le peuple comme une masse d’animaux sauvages : « horde rien n’y résista » (Cote g226 - vol. 4 - f° 157 - Recto). D’autres le montrent comme un désastre naturel : « flot de population que les municipaux chargent à coups de plat de sabre » (Cote g226 - vol. 4 - f° 159 - Recto). On retrouve ce vocabulaire chez un Chateaubriand, ainsi pendant la révolution nobiliaire en Bretagne début 1789 : « Le peuple nous reçut avec des hurlements, des jets de pierres, des bourrades de bâtons ferrés et des coups de pistolets. Nous fîmes une trouée dans la masse de ses flots qui se refermaient sur nous18 ». Cette métaphore du troupeau, et celle des flots, sont aussi présentes à un second stade de la préparation du roman, dans les brouillons du premier chapitre de la troisième partie sur la prise des Tuileries19.

Une éducation sentimentale en politique : contre la peur et la haine

11Le discours sur le peuple comme menace en 1848 a été fort bien analysé par Maurice Agulhon. Il montre comment on génère la « peur sociale », comment, pourquoi et dans quel but la populace peut être confondue avec le peuple, cite Thiers qui parlait de « vile multitude20 ». Chez Flaubert, le lien entre peur et haine est notamment établi dans la Correspondance, dans une lettre à George Sand contemporaine de l’écriture du roman :

  • 21 Corr., vol. 3, op. cit., p. 653-654.

Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. – Voilà la troisième fois que j’en vois. – Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la Haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. – Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine que l’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. – Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. – Il est vrai que beaucoup de choses m’exaspèrent. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton21.

  • 22 Voir Théophile Gautier, Les Jeunes-France : romans go...

12Plusieurs éléments sont ici à relever. Flaubert prend clairenent une position contre la bourgeoisie, et par là il s’exclut d’une certaine manière de la classe à laquelle il appartient (il a apparemment essuyé des injures), ou tout au moins il la critique durement, principalement parce que ses représentants – qu’il désigne négativement sous le nom de foule – sont des « gens d’ordre ». Sensible aux injustices, il se déclare pour les minorités, attitude très moderne, et s’assimile à elles, en mettant sur le même plan le littérateur et le bohémien ou l’hérétique. C’est aller bien plus loin que de se contenter des relations entre bourgeois et bohèmes dans les cercles romantiques et frénétiques après 1830, telles du moins qu’elles ont été peintes par Murger ou Gautier22. Le point le plus important est la relation causale qui est établie : la haine des bohémiens vient d’une peur infondée. On retrouvera le même type de haine chez certains en 1848 à propos du peuple, haine attisée par la presse. Flaubert dit se faire plaisir en cette occasion, et on peut se demander si ce n’est pas au moins en partie ce qu’il fait dans son roman.

13C’est sous l’angle des idées présentées dans cette dernière lettre qu’on peut mieux apprécier le programme bourgeois contenu dans les « idées régnantes » (ou dominantes) ci-dessous :

Les uns désiraient l’Empire, d’autres les Orléans, d’autres le comte de Chambord ; mais tous s’accordaient sur l'urgence de la décentralisation, et plusieurs moyens étaient proposés, tels que ceux-ci : couper Paris en une foule de grandes rues afin d’y établir des villages, transférer à Versailles le siège du Gouvernement, mettre à Bourges les écoles, supprimer les bibliothèques, confier tout aux généraux de division ; – et on exaltait les campagnes, l’homme illettré ayant naturellement plus de sens que les autres ! Les haines foisonnaient : haine contre les instituteurs primaires et contre les marchands de vin, contre les classes de philosophie, contre les cours d’histoire, contre les romans, les gilets rouges, les barbes longues, contre toute indépendance, toute manifestation individuelle ; car il fallait « relever le principe d’autorité », qu’elle s’exerçât au nom de n’importe qui, qu’elle vînt de n’importe où, pourvu que ce fût la Force, l’Autorité ! (576-77)

  • 23 M. Agulhon, op. cit., p. 124.

  • 24 On retrouve les instituteurs, présents dans les notes...

14Flaubert présente ici les trois composantes de la droite conservatrice : bonapartistes, orléanistes et légitimistes. Maurice Agulhon a choisi de reproduire ce texte dans son intégralité dans son livre23 de référence sur 1848. Dans ce programme il s’agit d’abord de transformer Paris pour contrer toute révolte populaire, et on sait que la défiance envers le peuple parisien est l’une des constantes des positions conservatrices durant le XIXe siècle et au-delà. Flaubert écrit à une période où Haussmann a accompli les transformations dont il parle ici, puisqu’il a coupé Paris par de nombreux axes. Comme dans la lettre précédente où les gens d’ordre étaient critiqués, la critique ici se fait sur le principe d’autorité. Mais le point le plus central ici, qui répond directement à la position prise par Flaubert dans la lettre précédente, est la notion de haine. Est en fait déclinée une longue liste de haines contre tout ce qui pourrait porter contestation de l’ordre social voulu par les classes dominantes : l’éducation, qu’elle soit au niveau primaire24 ou supérieur (les lecteurs savaient qu’une des premières mesures contre-révolutionnaires prises avait été l’annulation du cours de Michelet), mais aussi la liberté du débat public, sous toutes ses formes, et même les romans. Flaubert positionne ici le roman, son roman, comme un ouvrage anti-conservateur, nourri de toutes les libertés qui ont pu faire défaut après juin 1848.

Un roman libéral ?

  • 25 Corr., vol. 3, op. cit., p. 770.

  • 26 Ibid., p. 805.

  • 27 G. Flaubert, Bouvard et Pécuchet, avec des fragments ...

15En apparence, une volonté d’équilibre entre droite et gauche a présidé à l’écriture du roman, comme on le voit ci-après dans deux lettres à George Sand qui semblait préoccupée par l’impartialité de la narration de Flaubert en matière de politique : « Les patriotes ne me pardonneront pas ce livre, ni les réactionnaires non plus25 ! » ; « Je vous ai dit que je ne flattais pas les Démocrates dans mon bouquin. Mais je vous réponds que les Conservateurs ne sont pas ménagés26 ». « La plèbe en somme, valait l’aristocratie », penseront Bouvard et Pécuchet, « dégoûtés du petit nombre comme du grand27 ».

  • 28 Corr., vol. 3, op. cit., p. 805.

  • 29 Agulhon, op. cit., p. 113.

  • 30 Cité par Fausto Proietti, « Histoire des idées politi...

  • 31 P.-L. Rey, L’Éducation sentimentale de Gustave Flaube...

  • 32 Corr., vol. 3, op. cit., p. 603.

16Cependant la balance penche du côté gauche ; Flaubert tient à dénoncer les exactions de la garde nationale : « J’écris maintenant trois pages sur les abominations de la garde nationale en juin 1848, qui me feront très bien voir des bourgeois ! Je leur écrase le nez dans leur turpitude, tant que je peux28 ». Agulhon écrit que « pour Flaubert le démoc-soc est seulement bête, le bourgeois bête et méchant29 ». Comme on l’a remarqué à propos de la réception du roman à la fin du Second Empire, la plupart des critiques favorables à L’Éducation sentimentale vinrent « de l’école socialiste et républicaine […], à commencer par George Sand (La Liberté, 21 décembre), selon laquelle le roman aurait prouvé qu’un certain « état social est arrivé à sa décomposition et qu’il faudra le changer très radicalement30 ». Et si l’on peut soutenir que Flaubert est souvent loin de porter aux nues le peuple31, en certaines occasions il montre du respect pour lui ou pour ses chefs : « Je vous renvoie la page de ce bon Barbès, dont je connais la vraie biographie, fort imparfaitement. Tout ce que je sais de lui, c’est qu’il est honnête et héroïque32 ».

  • 33 Ibid., p. 701.

  • 34 A. Herschberg Pierrot, art. cit., p. 58.

  • 35 Ibid., p. 51.

17Il reste que Flaubert critique la « démocratie envieuse et tyrannique33 », née selon lui de l’influence de Rousseau, dans une lettre à Michelet du 12 novembre 1867. Et en peignant la révolution de février, il montre une image négative de « la sombre masse du peuple » (L’Éducation sentimentale, 431), ainsi dans la mise en scène de la royauté populaire34 ou dans la scène du trône35. À contre-courant, Frédéric trouve le peuple « sublime » (432) à ce moment-là, mais son domestique est beaucoup moins enthousiaste : « ce que je n’aime pas, c’est ce peuple en cadence » (436). Et Hussonnet a ce mot : « Les héros ne sentent pas bon ! » (429). Comment expliquer ce renversement, puisqu’ailleurs c’est plutôt le parti de l’Ordre que Flaubert vilipende ? Selon Proietti,

  • 36 F. Proietti, art. cit.

Dans le premier chapitre de la troisième partie de L’Éducation sentimentale, Flaubert s’amuse à renverser le lieu commun du « beau peuple » de février : placés dans un contexte qui ressemble plus à un « spectacle », à une mise en scène de théâtre qu’à une vraie révolution, les insurgés sont, à maintes reprises, qualifiés de « canaille », de « populace » composée par des « galériens », des « voyous », des « prostituées » ; les occupations auxquelles ils se livrent sont exemplifiées par l’usage des verbes « voler  », « violer », « détruire36 ».

  • 37 Corr., vol. 3, op. cit., p. 643.

18C’est que Flaubert renverse sans cesse les idées reçues et les positions, en particulier dans L’Éducation sentimentale. La haine dont nous avons parlé plus tôt, celle du bourgeois envers le peuple, est renversée dans cette lettre à George Sand : « Axiome : la haine du Bourgeois est le commencement de la vertu. […] C’est nous, et nous seuls, c’est-à-dire les lettrés, qui sommes le Peuple, ou pour parler mieux, la tradition de l’Humanité37. » La critique affecte aussi les idées de l’autre bord, mais d’abord pour ce qui touche aux idées reçues ; dans tous les clubs il faut ainsi répéter ce qui est attendu : « On devait [...] servir le plus souvent possible ces locutions : “apporter sa pierre à l’édifice, – problème, social, – atelier” » (L’Éducation sentimentale, 448). Ailleurs, et sur un tout autre plan, Martinon feuillette un album de lithographies représentant des costumes espagnols, qui sont aussi des énumérations de stéréotypes, comme le montrent les légendes : « Femme de Séville, – Jardinier de Valence, –Picador andalou » (361).

  • 38 Voir M. A. Cajueiro-Roggero, « Dîner chez Dambreuse :...

  • 39 Corr., vol. 3, op. cit., p. 721; voir la note 3 p. 14...

  • 40 NAF 17611, f° 48, in G. Flaubert, L’Éducation sentime...

  • 41 Corr., vol. 3, op. cit., p. 711.

19Critiquant la bourgeoisie et le Parti de l’Ordre38, Flaubert, qui reproche à Amélie Bosquet, auteur du Roman des ouvrières (Paris, Faure, 1868), d’être « trop douce pour les bourgeois39 », dit dans un folio de ses brouillons pour le roman vouloir « expliquer comment le bourgeois le plus pacifique devient un anthropographe » (il écrit ailleurs « anthropophage »), et note dans le même folio : « Il y a aux grilles un garde-national, feroce [sic] qui fourre dans le tas des coups de bayonnette – au hasard – fait feu, tue un homme qui demande du pain « en voilà » (il sera plus tard decoré [sic] pour ça) c’est Mr Roque40 ». Et Flaubert de confier à George Sand qu’il prépare pour le roman une critique de Thiers, pour lui parangon de la bourgeoisie : « Je tâcherai du reste, dans la 3e partie de mon roman quand j’en serai à la réaction qui a suivi les Journées de juin, d’insinuer un panégyrique dudit, à propos de son livre : De la propriété, et j’espère qu’il sera content de moi41 ». Une chose que Frédéric critique chez Mme Arnoux parlant vertu, devoir et religion est ce qui la rapproche de la bourgeoisie : « Ah ! quelles maximes bourgeoises vous avez ! » (L’Éducation sentimentale, 309).

  • 42 Ibid., p. 653.

  • 43 Ibid., p. 820.

  • 44 Idem

20En définitive, ce qui reste de bourgeois dans cette entreprise de démolition de la bourgeoisie est à chercher dans un discours qui n’assène pas les choses (comme le discours de l’autorité et de l’ordre a tendance à le faire), un discours libéral qui met l’accent sur l’individu, sur le droit civil, sur une parole libérée des discours imposés, contraints et répétitifs : « L’individu a été tellement nié par la Démocratie qu’il s’abaissera jusqu’à un affaissement complet comme sous les grands despotismes théocratiques42 ». En général, on ne peut dire que Flaubert soit proche du peuple, mais il célèbre l’individu, comme dans cette lettre à George Sand : « L’infinie stupidité des masses me rend indulgent pour les individualités, si odieuses qu’elles puissent être43 ». Et Flaubert de déplorer dans cette même lettre : « a-t-on été inepte de tout temps dans notre belle patrie ! Pas une idée libérale qui n’ait été impopulaire, pas une chose juste qui n’ait scandalisé, pas un grand homme qui n’ait reçu des pommes cuites ou des coups de couteau44. »

  • 45 Corr., vol. 3, op. cit., p. 720.

  • 46 Gustave Flaubert, Correspondance, vol. 4, édition de ...

  • 47 Corr., vol. 3, op. cit., p. 805.

  • 48 Ibid., p. 725.

  • 49 Ibid., p. 728.

21Ce libéralisme-là est aussi anti-catholique, et c’est là-dessus qu’on voudrait terminer. Si L’Éducation est sentimentale, c’est d’abord par sa critique du sentiment (pris en mauvaise part comme sentimentalisme), qui est en fait aussi présent en politique (par exemple comme humanitarisme) ou en art (par exemple comme mièvrerie) qu’en amour, et se trouve donc à l’intersection de plusieurs axes du roman. Au Club de l’Intelligence et ailleurs, le roman donne à penser que le discours doctrinaire de gauche, chez les socialistes utopiques, a été imprégné, vicié par l’autorité des idées reçues catholiques : pour Deslauriers, presque porte-parole de Flaubert ici, il est temps de « traiter la Politique scientifiquement. Les vieux du xviiie siècle commençaient, quand Rousseau, les littérateurs, y ont introduit la philanthropie, la poésie, et autres blagues, pour la plus grande joie des catholiques » (L’Éducation sentimentale, 280) ; « on a pris les sentiers de Rousseau, qui, par le Sentiment, nous ont ramené au catholicisme45 », écrit Flaubert à Amélie Bosquet. Il critique aussi le catholicisme comme incarnation d’un état d’esprit, comme image-miroir d’une attitude mentale dogmatique qu’on a vue incarnée par certains en 1793, et que Michelet avec qui il correspond avait vilipendée : « Je hais comme vous la prêtraille jacobine, Robespierre et ses fils que je connais pour les avoir lus et fréquentés46 ». Flaubert certes n’est pas, n’a jamais été socialiste, et le catholicisme en 1848 (et en particulier sa hiérarchie) est plutôt du côté du parti de l’Ordre, mais ils ont selon lui un point commun, la bêtise : « Le néo-catholicisme d’une part et le Socialisme de l’autre ont abêti la France. Tout se meurt entre l’Immaculée Conception et les gamelles ouvrières47 ». Pour Deslauriers, « les réformateurs modernes […] croient tous à la Révélation » (ibid.). Dans ses recherches, Flaubert pense voir une constante, l’influence néfaste du catholicisme sur 1848. Il confesse à Mlle Leroyer de Chantepie : « J’aborde la Révolution de 1848 et, en étudiant cette époque-là, je découvre beaucoup de choses du passé qui expliquent des choses actuelles. Je crois que l’influence catholique y a été énorme et déplorable48 ». Et il se dit en plein accord avec Michelet (qui sera assez critique du roman) : « Je suis en plein, maintenant, dans l’histoire de 48. Ma conviction profonde est que le clergé a énormément agi. Les dangers du catholicisme démocratique, que vous signalez […], sont tous advenus. Ah ! nous sommes bien seuls49 ! » Plus avant, il s’intéresse à la façon dont le discours révolutionnaire a été construit et ne manque pas de dénoncer chez ses concepteurs des références au catholicisme :

  • 50 Ibid., p. 770.

Tout ce que je trouve de christianisme dans les révolutionnaires m’épouvante. Ainsi voilà deux petites notes qui sont là sur ma table :
« Ce système (le sien) n’est pas un système de désordre. Car il a sa source dans l’Évangile, et de cette source DIVINE ne peuvent découler la haine, les guerres, le froissement de tous les intérêts, car la doctrine formulée de l’Évangile est une doctrine de paix, d’union, d’amour » (L. Blanc).
« J’oserai même avancer qu’avec le respect du dimanche s’est éteinte dans l’âme de nos rimeurs la dernière étincelle du feu poétique. On l’a dit : sans religion, pas de poésie ! » (Proudhon)50.

  • 51 K. Marx, Les luttes de classe en France (1848-1850), ...

22Ces deux petits textes font preuve d’un certain sentimentalisme que Flaubert ne fut pas, loin de là, le seul à dénoncer. Ainsi, Karl Marx critiquera le « pédant individuel » adepte d’un « socialisme doctrinaire » qui, visant un idéal sociétal utopique, utilise de « petits artifices » ou de « grosses sentimentalités » au lieu de mettre en œuvre le « bouleversement de toutes les idées » caractéristique de la véritable révolution51.

  • 52 Voir R. Jasinski, « Lectures de Flaubert. Le thème de...

  • 53 F. Proietti, art. cit.

23On peut donc avancer que L’Éducation sentimentale, roman historique, contribue à écrire l’histoire de 1848, ou plutôt à représenter une histoire très particulière de 1848 en créant un réseau de vies fragmentaires et fictives. Certes, on peut voir les échecs de Frédéric et de sa génération à ce moment-clé de leur histoire et de l’Histoire comme une représentation de la « faillite » des espoirs bien incertains nés de la révolution de 1830 et au-delà comme une critique du matérialisme encore accentué sous le Second Empire52. Et on peut voir dans le roman « une contribution importante à la diffusion d’une interprétation “anti-bourgeoise” des événements politiques qui conduisirent à la fin de la Seconde République et à la naissance du Second Empire53 », interprétation cohérente avec ce qu’on peut déceler de libéralisme chez Flaubert. Mais il faut aussi rendre compte du fait que s’il y a éducation sentimentale, c’est aussi sur des sentiments que le roman est construit, y compris dans la vision politique de 1848 qu’il transmet. On a souligné ici deux de ces sentiments en particulier, la haine et la peur, tels qu’ils transparaissent dans les notes de Flaubert et dans le roman, et la façon dont ils peuvent être générés par des idées reçues habilement propagées dans les journaux et livres conservateurs. La haine entre peuple et bourgeoisie accompagne la séparation et la lutte des classes. Cependant la conjonction de la haine et de la peur (sociale) est plutôt dans le roman l’apanage d’une bourgeoisie qui, en 1848, sème de manière bien peu libérale des idées reçues conservatrices dans ses discours dominants, contribuant par là à figer ces discours. Et comme elle le fit pour les lecteurs de 1869-1870, L’Éducation sentimentale donne aux lecteurs d’aujourd’hui la possibilité de mieux cerner et critiquer ces types de discours.

Notes

1 Gustave Flaubert, Correspondance, t. 3, édition de J. Bruneau, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 734 (tout ce qui précède renvoie à la même lettre). Abrégé ci-après en Corr.

2 G. Flaubert, Les dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet. Édition intégrale balisée en XML-TEI des documents conservés à la bibliothèque municipale de Rouen, accompagnée d’un outil de production de « seconds volumes » possibles, sous la dir. de S. Dord-Crouslé, 2012-…, http://www.dossiers-flaubert.fr, ISSN 2495-9979 (Notes intitulées « République de 1848 », Ms g226(4), f° 133-204, transcrites par É. Le Calvez). Consulté le 10 juillet 2017. Tous les folios cités ci-après appartiennent à ces notes sur la « République de 1848 ».

3 É. Le Calvez, « “République de 1848” », Éditer le chantier documentaire de « Bouvard et Pécuchet ». Explorations critiques et premières réalisations numériques, éd. S. Dord-Crouslé, S. Mangiapane et R. M. Palermo Di Stefano, Messine, Andrea Lippolis Editore, 2010, p. 116, URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00370973. Consulté le 11 juillet 2017.

4 G. Flaubert, L’Éducation sentimentale, éd. P.-M. de Biasi, Paris, Librairie générale française, « Le Livre de poche, Classique », 2002, p. 45. C’est à cette édition du roman qu’on référera ci-dessous.

5 Ces deux derniers mots sont soulignés dans le manuscrit.

6 Ce dernier mot est souligné dans le manuscrit. Dans les transcriptions de manuscrits, certains termes apparaissent en exposant ou en plus petits caractères, pour respecter au mieux le texte du manuscrit de Flaubert et sa transcription diplomatique.

7 Ces trois derniers mots sont soulignés dans le manuscrit.

8 Ces quatre derniers mots sont soulignés dans le manuscrit.

9 Léon La Collonge, président du Club des Antonins, avait créé le journal L’Organisation du travail, au titre inspiré par la brochure du même nom publiée par Louis Blanc en 1839. Voir P. H. Amann, Revolution and Mass Democracy : The Paris Club of 1848 (1975), Princeton, Princeton University Press, coll. « Princeton Legacy Library », p. 51.

10 Ce mot est souligné dans le manuscrit.

11 Ce mot est souligné dans le manuscrit.

12 J. Michelet, Le peuple, Paris, Flammarion, « GF », 1974, p. 72.

13 J. Neefs, « Flaubert, sous Napoléon III », Comment meurt une république. Autour du 2 décembre, éd. S. Aprile, N. Bayon, L. Clavier, L. Hincker et J.-L. Mayaud, Paris, Créaphis, 2004, p. 263.

14 J. Michelet, op. cit., p. 136.

15 Ibid., p. 138.

16 Ces deux derniers mots sont soulignés dans le manuscrit.

17 P. Ricœur, « L’écriture de l’histoire et la représentation du passé », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 55ᵉ année, n° 4, 2000, p. 731.

18 François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, éd. J.-C. Berchet, Classiques Garnier, Classiques modernes, « La Pochothèque », 2e éd. revue et corrigée, 2003-2004, vol. 1, p. 284-285 (Livre V, Chapitre 7).

19 A. Herschberg Pierrot, « Le travail des stéréotypes dans les brouillons de la “prise des Tuileries” (L’Éducation sentimentale, III, 1) », Histoire et langage dans « L’Éducation sentimentale » de Flaubert, Paris, CDU-SEDES, 1981, p. 44.

20 Voir M. Agulhon, 1848 ou l’Apprentissage de la République, 1848-1852, Nouvelle Histoire de la France contemporaine, vol. 8, Éd. du Seuil, « Points Histoire », 1973, p. 146, 119, et 151, respectivement.

21 Corr., vol. 3, op. cit., p. 653-654.

22 Voir Théophile Gautier, Les Jeunes-France : romans goguenards, 1833 ; et Henri Murger, Scènes de la vie de bohème, 1851.

23 M. Agulhon, op. cit., p. 124.

24 On retrouve les instituteurs, présents dans les notes de Flaubert comme on l’a vu ci-dessus.

25 Corr., vol. 3, op. cit., p. 770.

26 Ibid., p. 805.

27 G. Flaubert, Bouvard et Pécuchet, avec des fragments du « second volume », dont le Dictionnaire des idées reçues, éd. de S. Dord-Crouslé avec un dossier critique, Paris, Flammarion, « GF », 2011, p. 233.

28 Corr., vol. 3, op. cit., p. 805.

29 Agulhon, op. cit., p. 113.

30 Cité par Fausto Proietti, « Histoire des idées politiques et sources littéraires : L’Éducation sentimentale dans le contexte des jugements historiques sur Juin 1848 », Flaubert [En ligne], Histoire/Politique/Société, URL : http://flaubert.revues.org/1921. Consulté le 22 juillet 2017. Proietti cite immédiatement après les lignes ci-dessus Camille Pelletan dans Le Rappel du 7 février 1870 : « Il était impossible de mieux peindre cette race haïssable, mais éternelle, du bourgeois très riche, grand personnage, qui a gouverné sous Louis-Philippe, et qui gouverne encore aujourd’hui [...] ».

31 P.-L. Rey, L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert (Essai et dossier), Paris, Gallimard, « Foliothèque », 2005, p. 178 et 193.

32 Corr., vol. 3, op. cit., p. 603.

33 Ibid., p. 701.

34 A. Herschberg Pierrot, art. cit., p. 58.

35 Ibid., p. 51.

36 F. Proietti, art. cit.

37 Corr., vol. 3, op. cit., p. 643.

38 Voir M. A. Cajueiro-Roggero, « Dîner chez Dambreuse : La Réaction commencante », Histoire et langage dans « L’Éducation sentimentale » de Flaubert, éd. Société des études romantiques, Paris, CDU-SEDES, 1981, p. 66.

39 Corr., vol. 3, op. cit., p. 721; voir la note 3 p. 1473 du même volume qui donne la date de publication du roman de Bosquet dans un périodique (1866) puis en volume (1868).

40 NAF 17611, f° 48, in G. Flaubert, L’Éducation sentimentale, scénarios, brouillons, notes diverses, 13 vol., Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits, NAF 17599-17611, URL : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc4963f. Consulté le 24 juillet 2017. Cité in Tony Williams, « La montée de la politique dans l’avant-texte : 1848 dans L’Éducation sentimentale », Revue Flaubert, n° 5, « Flaubert et la politique », éd. Dolf Oelher, 2005, URL : http://flaubert.univ-rouen.fr/revue/revue5/williams.pdf. Consulté le 24 juillet 2017. Williams précise dans sa note 24 : « Flaubert écrit bien “anthropographe”, mais on trouve “anthropophage” dans le résumé V (17611, f° 108) ».

41 Corr., vol. 3, op. cit., p. 711.

42 Ibid., p. 653.

43 Ibid., p. 820.

44 Idem

45 Corr., vol. 3, op. cit., p. 720.

46 Gustave Flaubert, Correspondance, vol. 4, édition de Jean Bruneau, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, p. 13.

47 Corr., vol. 3, op. cit., p. 805.

48 Ibid., p. 725.

49 Ibid., p. 728.

50 Ibid., p. 770.

51 K. Marx, Les luttes de classe en France (1848-1850), Paris, Éd. Sociales, 1952, p. 99-100.

52 Voir R. Jasinski, « Lectures de Flaubert. Le thème de l’échec dans L’Éducation sentimentale et Bouvard et Pécuchet », in R. Jasinski, À travers le xixe siècle, Paris, Minard, 1975, p. 304 et 307.

53 F. Proietti, art. cit.

Pour citer cet article

Christophe Ippolito, «La Fabrique du discours politique sur 1848 dans L’Éducation sentimentale», Op. cit., revue des littératures et des arts [En ligne], « Agrégation Lettres 2018 », n° 17, automne 2017 , mis à jour le : 02/11/2017, URL : https://revues.univ-pau.fr:443/opcit/index.php?id=252.

Quelques mots à propos de :  Christophe Ippolito

Directeur du programme de français au Georgia Institute of Technology, Christophe Ippolito travaille sur la littérature française et francophone après 1800, et est l’auteur ou l’éditeur d’ouvrages sur Flaubert, la description, la résistance à la modernité, le Liban, le récit de soi et la société.

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