XVIIIe siècle
Agrégation Lettres 2018
N° 17, automne 2017

David McCallam

Orphée ou la poésie incarnée chez André Chénier

  • 1 Voir B. Juden, Traditions orphiques et tendances mysti...

1Pour les néoclassiques du xviiie siècle, Orphée est l’archétype du poète-musicien. Le mythe célèbre de sa tentative manquée de ramener sa bien-aimée Eurydice des enfers enchantait à la fois les amateurs de l’Antiquité et les sensibles modernes. Ce mythe passait aussi pour une allégorie subtile de certains rituels d’initiation comme ceux des francs-maçons. Sa popularité s’avéra surtout dans le succès éclatant d’Orfeo ed Euridice, opéra de Christoph Willibald Gluck, représenté originellement en italien en 1762, puis remanié pour la scène française en 1774 sous le titre Orphée et Eurydice, avec un livret nouveau de Pierre-Louis Moline. Le spectacle fit fureur au point que la figure d’Orphée ornait des cartes à jouer à Versailles et sa lyre devenait un motif à la mode dans la décoration intérieure1. À la même époque la double statue d’Antonio Canova, Orfeo ed Euridice, fut encensée par la critique pour avoir saisi sur le vif le moment où le poète impatient se retourne pour revoir son amante avant qu’elle n’ait atteint la lumière et ainsi la perd à jamais.

  • 2 Jean-Baptiste-Louis-Théodore baron de Tschoudi, « La N...

  • 3 J.-J. Barthélemy, Voyage du Jeune Anacharsis en Grèce,...

2Le mythe d’Orphée paraît moins en évidence dans la poésie de la deuxième moitié du xviiie siècle en France. Les allusions au poète-musicien changent aussi de référence. Ce n’est plus l’amant tragique qui est cité, mais la personnification de la poésie lyrique, le roi de la Thrace antique dont il civilisa les habitants rudes et frustes. Ainsi Jean-Baptiste-Louis-Théodore, baron de Tschoudi, chante-t-il les pouvoirs civilisateurs d’Orphée dans son ode « La Nature sauvage et la Nature cultivée » de 1781, dans laquelle la voix du poète, animée d’un feu sacré, sort la Thrace « des ténèbres » et ouvre à ses sujets tous « les trésors » « des mœurs, des arts, de l’abondance2 ». Sept ans plus tard, le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce de Jean-Jacques Barthélemy constatera de manière plus docte que la force civilisatrice du roi poète relevait moins de sa voix enchanteresse que de l’état d’extrême sauvagerie dans lequel languissaient les peuples de la Grèce ancienne, captivés et soumis alors par un peu de mélodie3.

3Pour sa part, André Chénier reprend dans sa poésie cette dernière interprétation d’Orphée comme le type même du poète lyrique et du roi civilisateur. Or, trois poèmes inachevés des années 1780 élaborent une filiation plus intime avec le barde mythique. Dans le fragment d’une « Élégie » dite « orientale » datant de 1787, Chénier écrit :

  • 4 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1 Imitations et prélu...

Salut, Dieux de l’Euxin, Hellé, Sestos, Abyde,
Et Nymphe du Bosphore, et Nymphe Propontide,
Qui voyez aujourd’hui du barbare Osmanlin
Le croissant oppresseur toucher à son déclin ;
Hèbre, Pangée, Hæmus, et Rhodope, et Riphée;
Salut, Thrace, ma mère, et la mère d’Orphée,
Galata, que mes yeux désiraient dès longtemps.
Car c’est là qu’une Grecque, en son jeune printemps,
Belle, au lit d’un époux nourrisson de la France
Me fit naître Français dans le sein de Byzance4.

  • 5 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 466-467.

4De récentes recherches semblent indiquer que ce passage aux accents autobiographiques s’inspire d’un projet de voyage au Moyen-Orient entrepris par Chénier à la fin de 1786 dans le but de revoir Galata, faubourg commercial de Constantinople où le poète naquit en 1762. Mais le projet fit long feu et fut abandonné en route à Rome, d’où le poète rentra en France en passant par Nice dans les premiers mois de 17875.

  • 6 S. Le Ménahèze, « Le paysage impossible d’André Chénie...

  • 7 A. Chénier, Œuvres complètes, éd. G. Walter, Paris, Ga...

  • 8 P.-D. Écouchard-Lebrun, ainsi surnommé, non sans une é...

5Au premier abord, ces vers constituent une représentation dense et suggestive d’un Orient rêvé, et qui n’a rien à voir avec la poésie descriptive des lieux naturels d’un Delille ou d’un Saint-Lambert. Ce n’est pas l’évocation d’un lieu, mais son invocation. Les paysages ne sont pas l’objet externe des descriptions lyriques du poète, mais naissent avec la poésie elle-même en tant que parole poétique. Un ailleurs oriental est appelé à exister principalement grâce à l’effet incantatoire des noms de lieu sonores, reposant sur ce que Sophie Le Ménahèze définit comme « ce caractère éminemment non-mimétique » de la poésie de Chénier6. (En effet, la même technique d’incantation de noms propres sera déployée non pour faire apparaître, mais pour faire comparaître ses ennemis jacobins dans ses ïambes : « Le Gendre, élève de Caton,/ Le grand Collot d’Herbois, fier patron des galères,/ Plus d’un Robespierre, et Danton,/ Thuriot, et Chabot ; enfin toute la bande […] » – appropriation subversive de leur propre pratique quasi-juridique de « l’appel nominal »)7. Mais pour revenir à ce fragment d’élégie, on voit que Chénier synthétise topographie, mythologie et histoire pour prendre à témoin lieux, dieux et contemporains de sa naissance. Ce faisant, il se confond corporellement avec Orphée, deux enfants de la même Thrace, et assimile sa double nationalité, né d’un père français et d’une mère grecque, au sang mêlé du poète mythique, fils du roi Œagre et de la muse Calliope. C’est une identification qui dépasse largement l’affinité artistique que pourrait éprouver pour la Grèce ancienne un néoclassique contemporain d’André Chénier comme « Pindare » Lebrun8, pour exprimer en lieu et place un désir de filiation à la fois spirituelle et affective vis-à-vis des Grecs antiques. Il s’agit non d’une émulation, mais d’une incarnation orphique.

6Cinq ans plus tôt, Chénier rêvait déjà à un voyage à Constantinople à la suite du nouvel ambassadeur à la Sublime Porte, Auguste de Choiseul-Gouffier. Ce projet n’aboutit pas non plus, mais il influa sur certains fragments lyriques souvent rattachés au long poème didactique que Chénier rédigeait de manière intermittente à l’époque, son « Art d’aimer », inspiré assez librement de l’Ars amatoria d’Ovide et composé entre 1781 et 1783. Un certain passage évoque Orphée et le relie systématiquement à la naissance du poète français dans la capitale ottomane :

  • 9 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 143.

Puisse aux vallons d’Hémus, où les rocs et les bois
Admirèrent d’Orphée et suivirent la voix,
L’Hèbre ne m’avoir pas en vain donné naissance !
Les Muses avec moi vont connaître Byzance9.

  • 10 Par opposition à l’ode, « Byzance, mon berceau », écr...

  • 11 Voir Y. Citton, « André Chénier et la dynamique const...

7Dans ce contexte, où il est question d’élever sur ces lieux mêmes un temple à l’Amour, gynécée grec qui remplace le sérail turc, Orphée représente la voix civilisatrice de la poésie qui transforme le désir grossier en amour raffiné, qui modère les pulsions fortes en leur prêtant des formes policées. Le corollaire politique de cet art poétique est de reprendre ces terres à l’empire ottoman au nom de la Grèce ancienne, de rétablir Byzance sur le site de Constantinople10. Il indique ainsi une vision sociopolitique, en la personne d’Orphée, qui sera aussi celle de Chénier dans le tumulte de la Révolution en ce sens qu’il croit impossible d’avoir de liberté sans légalité, de polis sans police, que le poétique tout comme le politique ne libère que paradoxalement dans la mesure où il s’impose des règles. Ligare ou « relier » est à la base de la religion (naturelle s’entend) et de la législation (constitutionnelle s’entend), c’est le lien qui rend libre11. Les contraintes formelles de la poésie (strophe, mètre, rime, etc.) en font autant.

  • 12 Pour le panthéisme de Chénier, voir ses notes en vue ...

  • 13 Voir surtout G. Lahouati, « Un pèlerinage aux sources...

  • 14 Voir, par exemple, Barthélemy, Voyage du Jeune Anacha...

8Mais cette deuxième identification à Orphée rappelle aussi le pouvoir enchanteur de la voix du poète-musicien capable d’animer la nature qui l’entend, d’émouvoir au point de mouvoir littéralement la matière brute, de la roche et du bois. L’animisme orphique s’accorde ici avec le panthéisme de Chénier qui conçoit le monde comme imprégné d’une énergie numineuse ambiante, énergie qui se décline dans sa poésie dans le polythéisme grec, Zeus, Hermès, Thétis, Néère, etc., désignant autant de manifestations localisées de sa force omniprésente12. Dans ce sens, tout est flux13. Alors, ce qui relie encore plus étroitement Orphée et Chénier dans le texte cité ci-dessus, c’est le fleuve de l’Hèbre (aujourd’hui la Maritsa ou l’Évros, actuelle frontière entre la Grèce et la Turquie). La légende veut que ce soit dans cette rivière que fut jetée la tête coupée du poète mythique, démembré par des ménades furieuses pour avoir négligé les rites du dieu Dionysos qu’elles servaient ; et c’est de ces mêmes eaux que le poète français se voit naître. Dans un lieu hors du temps, les deux poètes baignent dans le même fleuve et la mort du premier annonce la naissance du second. Qui plus est, le mythe d’Orphée précise : sa tête tranchée chantait encore pendant que le courant l’emportait14. Le poème de Chénier n’est alors que le chant modulé du poète grec, sa réverbération à travers les siècles. De nouveau Chénier incarne Orphée.

  • 15 Voir A. Coudreuse, « Élégie, souffle historique et pa...

  • 16 Pour l’histoire de la réception de Chénier au XIXe si...

9Or, il y a une ironie historique dans cette réincarnation orphique à laquelle les éditeurs et les lecteurs des œuvres posthumes de Chénier au xixe siècle étaient fort sensibles. Le sort tragique du poète, guillotiné deux jours avant la chute de Robespierre, fait écho à la destinée d’Orphée. L’histoire devient ainsi légende dans la mesure où le lecteur comprend la vie du poète à partir de sa mort15. De sa fin « tragique » (au sens d’ « inévitable », « prédestinée ») naît le sens de l’œuvre. De plus, les admirateurs de Chénier au siècle suivant, comme Henri de Latouche et Arsène Houssaye ne pouvaient pas s’empêcher d’imaginer leur poète-héros comme un Orphée moderne décapité aux acclamations terribles des ménades de la Révolution, assoiffées de sang, ivres de vin – et pourtant la tête du poète assassiné comme celle du demi-dieu grec dépecé persistait à chanter dans la mort, ou plutôt dans toutes leurs éditions posthumes et dans leurs ferventes imitations poétiques. Pour n’en citer qu’un exemple, Houssaye représente une relève poétique auréolée de gloire dans laquelle Chénier « a saisi aux mains d’Orphée l’archet d’or d’Apollon16 ».

10Ceci dit, si nous nous penchons sur un troisième fragment de poésie consacré à Orphée, composé par Chénier, semble-t-il, entre 1781 et 1782, nous découvrons un portrait plus approfondi et révélateur du barde antique. Par extension, nous découvrons aussi une appréciation plus nuancée de la poésie incarnée, autrement dit, de la fonction de la voix poétique par excellence. Le texte se présente ainsi :

  • 17 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 123.

Ainsi quand de l’Euxin la déesse étonnée
Vit du premier vaisseau son onde sillonnée,
Aux héros de la Grèce, à Colchos appelés,
Orphée [expédiait] les mystères sacrés
Dont sa mère immortelle avait daigné l’instruire.
Près de la poupe assis, appuyé sur sa lyre,
Il chantait quelles lois à ce vaste univers
Impriment à la fois des mouvements divers,
Quelle puissance entraîne ou fixe les étoiles,
D’où le souffle des vents vient animer les voiles,
Dans l’ombre de la nuit, quels célestes flambeaux
Sur l’aveugle Amphitrite éclairent les vaisseaux.
Ardents à recueillir ces merveilles utiles,
Autour du demi-dieu les princes immobiles
Aux accents de sa voix demeuraient suspendus,
Et l’écoutaient encor quand il ne chantait plus17.

  • 18 Voir à ce sujet Y. Citton, « Imitation inventrice et ...

11Tout d’abord, c’est un exemple de la méthode dite d’ « imitation inventrice » commune aux néoclassiques, mais qui devient chez Chénier à la fois une pratique poétique et un credo philosophique, comme nous le verrons par la suite18. Le poète « inventeur » est alors celui, comme Orphée,

  • 19 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 2, Bucoliques. Épîtr...

Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes ;
Qui, par des nœuds certains, imprévus et nouveaux,
Unissant des objets qui paraissaient rivaux,
Montre et fait adopter à la nature mère
Ce qu’elle n’a point fait, mais ce qu’elle a pu faire19.

  • 20 H. Bergson, La Pensée et le mouvant. Essais et confér...

  • 21 Chénier écrit une « Épître à Monsieur Bailly » probab...

  • 22 Voir Juden, Traditions orphiques et tendances mystiqu...

12L’inventeur imitatif, pour inverser les termes, dépasse donc l’opposition superficielle « des objets qui paraissaient rivaux » pour tisser des liens jusqu’alors invisibles au commun des mortels par « des nœuds certains, imprévus et nouveaux » de sa poésie, et du coup la contradiction également superficielle entre « imitation » et « invention » se révèle surmontée. De plus, le dernier vers rejoint Henri Bergson dans sa définition de l’artiste qui « crée du possible en même temps qu’il crée du réel quand il exécute son œuvre20 ». Autrement dit, le poète ne chante pas le pouvoir naturel (ce que la nature a pu faire), mais la puissance naturelle (ce qu’elle n’a pas fait, mais ce qu’il était possible qu’elle pût faire). Il respecte la loi de la nature (imitation), mais module les créations de cette dernière selon sa fantaisie (invention). Poète compagnon des Argonautes dans leur voyage mythique pour trouver la Toison d’or, Orphée révèle le monde des mers, des vents et des étoiles tel qu’il existe matériellement pour les marins grecs tout en leur faisant découvrir ce monde tel qu’il le crée en paroles et musique. La nature circonscrit leur expérience des océans la nuit, mais c’est le poète, dont le chant bat la mesure des rames, qui l’« imprime », le « fixe », l’« anime » et l’« éclaire » de sa voix. D’où la vision particulière d’Orphée dans ce texte où il est à la fois un mystique qui somme le monde d’exister et un timonier qui y fait naviguer son équipage, poète dont la parole cosmogonique s’avère aussi être utilitaire, prodiguant ainsi des « merveilles utiles ». Textuellement l’imitation inventrice de Chénier y raccorde un texte classique, en l’occurrence un passage de l’Argonautica d’Apollonios de Rhodes, et l’érudition moderne, à savoir l’Histoire de l’astronomie ancienne (1775) et l’Origine de tous les cultes (1781) de l’astronome Jean-Sylvain Bailly21. Suivant les spéculations de Bailly à savoir que les arts de l’astronomie, de la législation et des rites religieux arrivèrent dans la Grèce ancienne depuis l’Orient, Chénier laisse entendre qu’Orphée y jouait un rôle de passeur, ramenant ces connaissances de ses voyages à l’est et les introduisant en Thrace dans le cadre de son règne civilisateur22.

  • 23 Y. Citton, « André Chénier et la dynamique constituan...

  • 24 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 2, op. cit., p. 232.

  • 25 Voir I. McGilchrist, The Master and his Emissary: The...

13Mais si l’on s’attarde un moment sur le dernier vers du fragment – « [Ils] l’écoutaient encor quand il ne chantait plus » – on s’apercevra que l’incarnation de la poésie ne se borne plus au poète mais s’étend, pour incorporer également son auditoire de « princes immobiles ». Dès lors la poésie s’incarne dans une expérience partagée de voix élevée et de sons entendus, dans laquelle les princes ne se contentent plus d’écouter le chant d’Orphée mais s’efforcent de le créer après que sa voix et sa lyre ont fini de résonner matériellement. La poésie incarnée devient un acte de création transindividuel23. Cela relève précisément de l’invention poétique pour Chénier, pour lequel « […] dans les arts, l’inventeur est celui/ Qui peint ce que chacun pût sentir comme lui24 ». Un distique dont le dernier verbe à l’imparfait du subjonctif rend la puissance et non le pouvoir de la poésie incarnée, c’est-à-dire, la force démiurgique de la parole poétique qui exprime simultanément ce qui est toujours réel et ce qui est encore possible, ce que le poète déclame et ce que son auditoire entend (et crée). Ainsi le vers qui clôt le fragment sur Orphée résume-t-il de manière brillante ce que la science cognitive actuelle nomme le rapport « réverbératif » entre le monde et l’esprit25. Cela veut dire qu’il y a une certaine attention prêtée au son ou à la voix, une certaine sensibilité esthétique, qui devient à la fois réceptive et génératrice de sens, qui non seulement reçoit le chant d’Orphée mais qui l’engendre aussi. C’est ainsi que les princes, enchantés à l’écoute du poète-musicien, co-créent et prolongent la poésie du barde en exerçant en commun une attention intensive à ses paroles. Ils l’écoutent encore quand il ne chante plus.

  • 26 Sur la harpe éolienne, voir les notes des éditeurs da...

14D’autres vers élégiaques écrits à la fin des années 1780 évoquent l’image d’une « harpe éolienne » pour représenter cette réverbération poétique qui fait vibrer les sens après que la stimulation physique du vent est passée26. C’est le travail de la mémoire du poète qui cette fois-ci donne une tournure visuelle à la résonance des vers :

  • 27 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 313

Mais aussi dans la paix voluptueux penseur,
Je suis de ma mémoire absolu possesseur ;
Je lui prête une voix, puissante magicienne,
Comme aux brises du soir, une harpe éolienne,
Et chacun de mes sens résonne à cette voix :
Mon cœur ment à mes yeux, absente je vous vois27.

  • 28 Comme tous ses contemporains, Chénier s’intéressait a...

  • 29 Voir aussi son « Ode à Versailles » dans laquelle le ...

  • 30 J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, Pa...

15Il s’agit ici d’une image rémanente de la bien-aimée, trace visuelle qui subsiste après la disparition du stimulus, terme dérivé du magnétisme où la rémanence constitue la persistance de la magnétisation de son objet hors du champ magnétique28. Cet « absente je vous vois » est la contrepartie optique de la répercussion auditive de la voix d’Orphée « quand il ne chante plus ». Mais ici l’incitation est moins physique qu’affective : c’est la réminiscence du poète, la force insistante de son désir nostalgique (son « cœur »), qui fait (ré)apparaître sa bien-aimée absente. Une émotion intérieure a ainsi la ténacité d’une stimulation externe pour appeler son objet à exister dans le monde par la seule puissance du chant poétique29. Le même effet de rémanence affective s’impose à Paul dans Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, publié à la même époque, lorsque l’amant délaissé regarde filer le vaisseau qui emporte son amour en France : « il [le bateau] était déjà disparu qu’il croyait le voir encore30 ». Son désir languissant fait durer l’image du bateau même lorsqu’il est déjà passé au-delà de l’horizon. Comme pour Chénier, le cœur de Paul ment à ses yeux, même si c’est à un degré moindre, dans la mesure où ce dernier reconnaît que sa volonté, ou sa « croyance, » est pour quelque chose dans la persistance de l’image.

  • 31 A. Chénier, Œuvres complètes, op. cit., p. 193-195.

16La même dynamique « réverbérative » se retrouve de façon poignante dans ce qu’on prétend être la dernière des ïambes de Chénier, « Comme un dernier rayon ». À l’instar d’Orphée guettant l’approche des ménades assassines, mais chantant toujours : « Au pied de l’échafaud [le poète] essaye encor [sa] lyre ». Mais l’écrivain emprisonné n’aura pas le temps de mener à terme son poème parce qu’« Avant que de ses deux moitiés/ Ce vers que je commence ait atteint la dernière », un « noir recruteur des ombres » l’interrompra et l’emmènera au supplice. Au lieu de la voix du poète qui se fait entendre longtemps après la fin de son poème, c’est maintenant la voix brutale de quelque « messager de mort », « Ébranlant de mon nom ces long corridors sombres », qui résonne lugubrement bien après son passage. Et ce ne sont plus les « princes immobiles » qui vibrent encore du chant poétique, le créant tant qu’ils s’en font l’écho, mais les « tristes compagnons reclus » de Chénier « Qui [le] connaissaient tous avant l’affreux message,/ Mais qui ne [le] connaissent plus31 ». Les autres détenus se refusent à toute répercussion de la voix poétique, étouffée en eux par la peur de suivre le poète à l’échafaud. Or, le fait que ces fragments de l’ïambe nous soient parvenus signifie que c’est Chénier qui a le dernier mot. Il eut au moins le temps de finir ces vers qui ne cessent de résonner jusqu’à nous. Comme un Orphée moderne, nous l’écoutons encore quand il ne chante plus.

  • 32 Voir V. Agnew, Enlightenment Orpheus: The power of mu...

  • 33 Y. Citton, « André Chénier et la dynamique constituan...

  • 34 I. McGilchrist, The Master and his Emissary, op. cit....

  • 35 Voir W. Kula, Measures and Men, Princeton, Princeton ...

17Selon Vanessa Agnew, au xviiie siècle Orphée fut une des figures emblématiques des arts où priment « l’attention et la présence32 ». Dans le cas particulier de la poésie d’André Chénier, on peut préciser que l’attention que le poète concentre sur ses écrits suscite une attention également concentrée chez son lecteur, de sorte que les deux communient dans les vers, acte à la fois « de transmission et de mise en commun », comme le décrit Yves Citton33. Et cette expérience partagée du langage ouvre sur une nouvelle expérience partagée du monde. Quant à l’évocation d’Orphée dans le fragment de Chénier, ceci renvoie à une expérience paradoxale de se retrouver, comme ses « princes immobiles », devant la présence d’une disparition – d’entendre toujours ce qui n’existe plus – ce qui constitue à la fois le paradigme rousseauiste d’une recherche continuelle d’origines (de l’inégalité dans la société, du contrat social, des langues) et une définition même de l’esthétique du néoclassicisme ambiant. La lyre d’Orphée est un des symboles les plus puissants de cette esthétique dans la mesure où ses cordes provoquent une vibration affective dans son auditoire, laquelle correspond aux émotions vibrantes du poète-musicien qui les touchent ; le poète fait résonner son public, il l’en-chante littéralement. Plus particulièrement, il réussit à faire vibrer son auditoire (ou lectorat) parce qu’il sait, de manière presque intuitive, que la mesure poétique prend modèle sur la mesure corporelle de l’homme, que le vers a ses pieds, son battement de cœur, son souffle, tout comme le corps34. Les douze syllabes de l’alexandrin classique, par exemple, se règlent sur les systèmes duodécimaux de poids et de mesures de l’ancien régime, eux-mêmes fondés sur le corps humain (aune, toise, brasse, etc.), et qu’elles se comptent alors non sur les doigts (à dix) mais sur les articulations des quatre doigts (à douze) qui sont énumérées par le pouce dans les calculs marchands et autres35. Le poète incarne donc la poésie parce que la poésie est fondamentalement un langage incarné, et parce que corps et poème s’articulent de façon analogue.

  • 36 C. Scott, French Verse-Art: A Study, Cambridge, Cambr...

  • 37 J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, dans...

  • 38 J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, op. ...

  • 39 Idem.

18Chénier, tout comme Orphée, excelle dans cet art parce qu’il sait jouer précisément sur ces articulations de la langue-corps, sur ces éléments du vers comme la césure, l’accent, la coupe, le mètre, la rime, l’enjambement, qui sont autant de « points d’attention stylisés » comme les appelle Clive Scott36. Chénier donc fait figure d’exception parmi ces poètes néoclassiques français dont les vers se caractérisent par une mesure trop symétrique et trop raisonnée, adeptes d’une poésie étouffée par la tradition et guindée par les règles. L’imitation des Anciens de Chénier est précisément inventrice dans la mesure où il détourne cette tradition et joue de ses règles. C’est un néoclassique qui semble avoir écouté attentivement Rousseau dans son Essai sur l’origine des langues, où ce dernier constate que « la poésie fut trouvée avant la prose ; cela devait être, puisque les passions parlèrent avant la raison37 ». Donc le véritable langage poétique se doit de faire entendre ces passions dans ses vers. C’est tout le propre de l’imitation de la nature. Or, Rousseau fait remarquer que, malencontreusement, « l’étude de la philosophie et le progrès du raisonnement, ayant perfectionné la grammaire, ôtèrent à la langue ce ton vif et passionné qui l’avait d’abord rendue si chantante38 », et par conséquent, ils ont vicié ses pouvoirs imitateurs de la nature. Plus particulièrement, « à mesure qu’on multipliait les règles de l’imitation, la langue imitative s’affaiblissait39 ». A la différence de Chénier, qui sait manier l’imitation de façon innovatrice et dont les formes qu’il s’impose le libèrent dans sa poésie, d’autres poètes néoclassiques moins heureux s’empêtrent dans les règles qu’ils observent rituellement. Pour eux, imiter Orphée ce n’est pas le lien qui émancipe, mais la chaîne qui entrave.

  • 40 J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, op. ...

  • 41 Pour cette notion d’un « réenchantement du monde », v...

19Ainsi, cette identification à Orphée confirme Chénier dans sa poésie panthéiste qui traduit le monde naturel en vers classiques, reconfiguration du matériau qui n’est qu’une modulation des flux du grand « Tout ». Loin donc d’être calquée sur les pratiques formelles et froides des cours de rhétorique jésuite, cette traduction constitue une translatio comme l’entend Rousseau lorsqu’il écrit que « c’est n’est que dans la translation du sens que consiste la figure40 » qui transpose la passion éprouvée en sons articulés. C’est comme cela que le poète panthéiste, que ce soit Orphée ou Chénier, fait apparaître le monde en poésie. Et cette première « translation » du monde en langage est aussi le modèle du « transfert » des affects et des idées depuis le poète à son auditeur ou lecteur. Il s’agit en fait d’un double réenchantement du monde41. Le poète réenchante le monde tout en réenchantant son public.

  • 42 E. Young, « The Complaint. Or, Night-Thoughts on Life...

20En conclusion, alors, on peut soutenir que ce réenchantement du monde si souvent associé à un premier romantisme, surtout allemand et anglais, prend sa source dans un néoclassicisme panthéiste et orphique pratiqué par des poètes comme André Chénier. Pour donner l’exemple de la tradition poétique anglaise, la nature réenchantée semble trouver ses origines chez les « graveyard poets » comme Thomas Gray et Edward Young, que Chénier connaissait bien, pour culminer à la fin du siècle dans le panthéisme naturel et quasi-mystique de William Wordsworth. Dans cette généalogie poétique, la notion d’une poésie incarnée a déjà sa place. Young décrit dans ses célèbres « Night Thoughts » (1742-1745) que les yeux de l’homme « co-créent le monde merveilleux qu’ils voient », figure développée par Wordsworth dans ses « Lines written a few miles above Tintern Abbey » (1798) pour chanter « tout le monde puissant/ De l’œil et de l’oreille, à la fois celui qu’ils co-créent/ Et celui qu’ils perçoivent42 ». On se trouve de nouveau en compagnie des « princes immobiles » écoutant le barde antique, qui « l’écoutaient encor quand il ne chantait plus », co-créateurs de sa vision poétique et panthéiste du monde. Chénier donc comprend bien cet effet réverbératif de la poésie incarnée ; c’est un effet qu’il subit, à l’écoute du monde naturel qui l’entoure, et un effet qu’il répercute dans ses vers. Enfin, si l’on tend l’oreille, même aujourd’hui, on peut et l’écouter et le (re)créer en lisant attentivement sa poésie.

Notes

1 Voir B. Juden, Traditions orphiques et tendances mystiques dans le romantisme français (1800-1855), Paris, Éditions Klincksieck, 1971, p. 128-134.

2 Jean-Baptiste-Louis-Théodore baron de Tschoudi, « La Nature sauvage et la Nature cultivée », dans Pièces échappées aux XVI premiers Almanachs des Muses, Paris, Veuve Duchêne, 1781, p. 193-198.

3 J.-J. Barthélemy, Voyage du Jeune Anacharsis en Grèce, dans le milieu du Quatrième Siècle avant l’ère vulgaire, Paris, de Bure aîné, 4 vols, 1788, II, p. 143. Il répète la légende selon laquelle même « les tigres déposaient leur fureur [aux] pieds [d’Orphée] » au son de sa lyre.

4 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1 Imitations et préludes. Art d’aimer. Élégies, G. Buisson et É. Guitton (dir.), Orléans, Éditions Paradigme, 2005, p. 285. Mes citations de Chénier renverront en premier lieu aux éditions les plus récentes de Buisson et Guitton, complétées de références aux Œuvres complètes (Paris, Gallimard, 1950) établies et annotées par G. Walter. Ce choix n’est pas sans problèmes, comme le souligne l’excellent blog de J.-C. Abramovici, « La beauté du débris », publié sur le site web de la Fondation Voltaire, Oxford, le 25 mai 2017 : http://www.voltaire.ox.ac.uk/news/blog/la-beaut%C3%A9-du-d%C3%A9bris [consulté le 16 août 2017]. Mais il pallie au moins les plus grandes lacunes et erreurs de l’édition de Louis Becq de Fouquières reproduite sous le titre Poésies dans la collection « Poésie » de Gallimard (Paris, 1994), même si le Ministère de l’Éducation nationale a choisi de citer cette édition pour l’agrégation 2017-18.

5 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 466-467.

6 S. Le Ménahèze, « Le paysage impossible d’André Chénier », dans J.-N. Pascal (dir.), Lectures d’André Chénier : Imitations et préludes poétiques, Art d’aimer, Élégies, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 81-92 [p. 86].

7 A. Chénier, Œuvres complètes, éd. G. Walter, Paris, Gallimard, 1950, p. 188.Voir aussi sur ce point D. McCallam, « André Chénier’s ‘Dernières poésies’ : Animism and the Terror », Forum for Modern Language Studies, 51:3 (July 2015), p. 304-315 [p. 310-311].

8 P.-D. Écouchard-Lebrun, ainsi surnommé, non sans une éventuelle malice, pour sa production en toute circonstance d’odes héroïques dans le style de Pindare.

9 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 143.

10 Par opposition à l’ode, « Byzance, mon berceau », écrite sous la Révolution, dans laquelle les révolutions du palais ottoman ne touchaient guère le « musulman paisible » de Constantinople. Le Coran et les mœurs turques donc protégeaient les citoyens de l’empire des excès arbitraires qu’exerçait la soi-disant justice révolutionnaire : « Liberté qui nous fuis, tu ne fuis point Byzance ». (Œuvres complètes, op. cit., p. 183.)

11 Voir Y. Citton, « André Chénier et la dynamique constituante des affects », dans Lectures d’André Chénier, op. cit., p. 31-46.

12 Pour le panthéisme de Chénier, voir ses notes en vue du grand poème inachevé, « Hermès », où il constate : « dans le chaos des poètes, chaque germe, chaque élément est seul et n’obéit qu’à son poids. Mais quand tout cela est arrangé, chacun est un tout à part et en même temps une partie du grand tout ». (Œuvres complètes, op. cit., p. 406.)

13 Voir surtout G. Lahouati, « Un pèlerinage aux sources : éléments pour une poétique de l’eau chez André Chénier », dans Lectures d’André Chénier, op. cit., p. 61-80.

14 Voir, par exemple, Barthélemy, Voyage du Jeune Anacharsis en Grèce, op. cit., I, p. 283.

15 Voir A. Coudreuse, « Élégie, souffle historique et pathétique dans la poésie d’André Chénier », Babel. Littératures plurielles, 12 (2005), p. 79-90.

16 Pour l’histoire de la réception de Chénier au XIXe siècle, voir C. Seth, André Chénier : le miracle du siècle, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2005. Les références précises à Latouche et à Houssaye, y compris la citation de ce dernier, sont aux p. 305 et 205 respectivement.

17 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 123.

18 Voir à ce sujet Y. Citton, « Imitation inventrice et harpe éolienne chez André Chénier : une théorisation de la productivité par l’Ailleurs », dans D. Bonnecase et F. Genton (dir.), Ferments d’Ailleurs. Transferts culturels entre Lumières et romantismes, Grenoble, ELLUG, 2010, p. 35-77.

19 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 2, Bucoliques. Épîtres et poétique. L’Invention, G. Buisson (dir.), Orléans, Éditions Paradigme, 2010, p. 232.

20 H. Bergson, La Pensée et le mouvant. Essais et conférences, Paris, Félix Alcan, 1934, p. 113.

21 Chénier écrit une « Épître à Monsieur Bailly » probablement au début de 1786. L’astronome figure aussi dans « L’Invention » où il est cité en compagnie de Cassini comme l’un des savants dont les découvertes aidèrent « nos Jasons » modernes à naviguer sur les mers. Voir A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 2, p. 201-205 et p. 234 respectivement.

22 Voir Juden, Traditions orphiques et tendances mystiques, op. cit., p. 103-104, 136-137.

23 Y. Citton, « André Chénier et la dynamique constituante des affects », op. cit., p. 42.

24 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 2, op. cit., p. 232.

25 Voir I. McGilchrist, The Master and his Emissary: The Divided Brain and the Making of the Western World, New Haven, Yale University Press, 2009, p. 196.

26 Sur la harpe éolienne, voir les notes des éditeurs dans A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 522-523 ; et surtout les réflexions fascinantes sur la dynamique poétique de la « résonance » dans Y. Citton, « Imitation inventrice et harpe éolienne chez André Chénier », op. cit., p. 35-77.

27 A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 1, op. cit., p. 313

28 Comme tous ses contemporains, Chénier s’intéressait au « magnétisme animal » de Franz Mesmer, et ses éloges à l’égard de Bailly tenaient en partie à ce que ce dernier représentait la science éclairée face au charlatanisme pseudo-scientifique de Mesmer. Voir A. Chénier, Œuvres poétiques, t. 2, op. cit., p. 437-438.

29 Voir aussi son « Ode à Versailles » dans laquelle le paysage du parc « conserve [la] noble image » de son objet du désir quand elle n’y est plus. C’est aussi un poème qui joue sur l’homophonie de « voix » et « vois », confondant ainsi résonance et rémanence dans la réminiscence. Voir D. McCallam, « Movement and Montage in André Chénier’s ‘Ode à Versailles’ (1793) », Crossways Journal, 1:1 (2017), http://crossways.lib.uoguelph.ca/index.php/crossways/article/view/3883/3922 [consulté le 18 août 2017].

30 J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, Paris, Bordas, 1989, p. 156.

31 A. Chénier, Œuvres complètes, op. cit., p. 193-195.

32 Voir V. Agnew, Enlightenment Orpheus: The power of music in other worlds, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 10: « [The figure of Orpheus] urges attentiveness and presence as against noise, distraction and deafness ».

33 Y. Citton, « André Chénier et la dynamique constituante des affects », op. cit., p. 42.

34 I. McGilchrist, The Master and his Emissary, op. cit., p. 119.

35 Voir W. Kula, Measures and Men, Princeton, Princeton University Press, 1986.

36 C. Scott, French Verse-Art: A Study, Cambridge, Cambridge University Press, 1980, p. 29-30.

37 J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, dans Œuvres complètes de J. J. Rousseau, 13 vols, Paris, Librairie Hachette, 1905, I, p. 370-408 [p. 395].

38 J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, op. cit., p. 405.

39 Idem.

40 J.-J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, op. cit., p.374. C’est nous qui soulignons.

41 Pour cette notion d’un « réenchantement du monde », voir M. Berman, The Reenchantment of the World, Ithaca, Cornell University Press, 1981.

42 E. Young, « The Complaint. Or, Night-Thoughts on Life, Death and Immortality », London, J. Dodsley, 1798, p. 110; W. Wordsworth, « Lines written a few miles above Tintern Abbey, on Revisting the Banks of the Wye during a Tour, July 13, 1798 », in W. Wordsworth and S. T. Coleridge, Lyrical Ballads with a few other poems, Bristol, Biggs and Cottle, 1798, p. 207-208. Notre traduction.

Pour citer cet article

David McCallam, «Orphée ou la poésie incarnée chez André Chénier», Op. cit., revue des littératures et des arts [En ligne], « Agrégation Lettres 2018 », n° 17, automne 2017 , mis à jour le : 14/11/2017, URL : https://revues.univ-pau.fr:443/opcit/index.php?id=278.

Quelques mots à propos de :  David McCallam

David McCallam est maître de conférences de français à l’Université de Sheffield. Il est spécialiste de la littérature et de la culture française du xviiie siècle.

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