XXe
Agrégation 2019
N° 19, automne 2018

Anne Strasser

Le genre de Mémoires d’une jeune fille rangée : une autobiographie classique ?

  • 1 S. de Beauvoir, Mémoires, éd. dir. par J.-L. Jeannelle...

  • 2 Les œuvres citées le sont comme suit : Mémoires d’une ...

  • 3 Une mort très douce (1963), La Cérémonie des adieux (1...

  • 4 P. Lejeune, Le Pacte autobiographique, coll. « Points ...

1L’entrée de Simone de Beauvoir dans l’édition de la Pléiade1 en 2018 s’est faite par ses œuvres autobiographiques. Signe que le cycle mémorial a son unité propre au sein de son œuvre. Dans Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force de l’âge, La Force des choses, Tout compte fait2, l’auteur Simone de Beauvoir raconte sa propre vie suivant une perspective chronologique3. Ces œuvres répondent à la définition qui fait référence depuis les travaux de Philippe Lejeune sur l’autobiographie : « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité4. » Cependant le titre donne à réfléchir. En quoi des mémoires se distinguent-ils d’une autobiographie ? Le Trésor de la langue française donne la définition suivante de l'autobiographie : « Relation écrite de sa propre vie dans ce qu'elle a de plus personnel. Syn-anton : mémoires (qui mettent l'accent sur les événements extérieurs.) » La lecture du cycle mémorial révèle que le premier volume est celui qui est le plus strictement autobiographique, car le plus centré sur la « vie individuelle » de l’auteur, alors que les volumes suivants font une large place à sa vie publique, aux événements extérieurs et aussi et surtout à la figure de Sartre et aux engagements qu’ils vont partager. Comme Beauvoir l’a expliqué, cela correspond à une prise de conscience suscitée par la seconde guerre mondiale : « Soudain l’Histoire fondit sur moi, j’éclatai : je me retrouvai éparpillée aux quatre coins de la terre, liée par toutes mes fibres à chacun et à tous. » (FA, 424) Il lui faut alors modifier sa manière de se raconter : « Plus je vais, plus le monde entre dans ma vie jusqu'à la faire éclater. Pour la raconter, il me faudrait douze portées ; et une pédale pour tenir les sentiments ­– mélancolie, joie, dégoût – qui en ont coloré des périodes entières, à travers les intermittences du cœur. » (FCI, 374)

  • 5 É. Lecarme-Tabone, Mémoires d’une jeune fille rangée d...

2Quel usage Beauvoir fait-elle des deux termes ? Il faut avoir conscience qu’en 1958, Beauvoir ne dispose pas de l’outillage critique dont nous disposons aujourd’hui. Au moment de la publication, elle utilise indifféremment les deux termes : « C’est mon autobiographie jusqu’à l’âge de 21 ans », explique-t-elle dans une interview ; « En écrivant ces mémoires… », écrit-elle dans le Prière d’insérer5. C’est ici en tant qu’autobiographie que nous allons étudier les Mémoires d’une jeune fille rangée. En confrontant ce récit au cahier des charges du genre autobiographique, nous pourrons dégager les caractéristiques et les spécificités de cette autobiographie beauvoirienne.

3Par bien des aspects les Mémoires d’une jeune fille rangée s’avèrent une autobiographie assez classique : tant dans les mobiles qui poussent l’auteur à écrire, que dans la forme qu’elle donne à son récit. Mais on y observe également une certaine perméabilité avec d’autres genres qu’elle a pratiqués auparavant : le roman et l’essai notamment. Cette perméabilité interroge les relations entre le « je vécu » et le « je qui écrit ».

Pourquoi écrire une autobiographie ?

4Beauvoir en 1958 a le « profil » de l’autobiographe. Cependant, des aspects singuliers  expliquent qu’elle « passe à l’acte » après avoir longtemps éprouvé une forme de pulsion autobiographique.

Un profil classique d’autobiographe

  • 6 J. Lecarme, É. Lecarme-Tabone, L’autobiographie, Paris...

  • 7 Voir également : É. Lecarme, op .cit., p. 37-38.

5Beauvoir approche de la cinquantaine quand elle se lance dans le récit de son enfance et de sa jeunesse : « De fait, la cinquantaine est l’âge sacré pour la décision de faire de sa vie un livre. […] Il est probable que la cinquantaine constitue le pivot de la vie, et qu’elle combine au mieux le rétrospectif et le prospectif6. » Elle est déjà une écrivain connue. Auteur de plusieurs romans (L’invitée, Le sang des autres, Tous les hommes sont mortels), elle a reçu le prix Goncourt pour les Mandarins en 1954. Elle est aussi une philosophe, et pas des moindres puisque son essai, Le Deuxième Sexe, publié en 1949 lui a valu à la fois une reconnaissance durable et de solides inimitiés. Elle est enfin la compagne de Sartre. Ils incarnent depuis l’après-guerre, notamment à travers leur revue Les Temps modernes, des figures intellectuelles de premier plan, et forment un couple hors du commun : « Il ne se passait pas une semaine sans qu’on parlât de nous dans les journaux. […] Dans les rues, les photographes nous mitraillaient, des gens nous abordaient. Au Flore, on nous regardait, on chuchotait. » (61), écrit-elle à propos de l’automne 1945. Autant d’éléments qui laissent à penser que sa vie personnelle peut intéresser ses lecteurs7.

  • 8 S. de Beauvoir, Cahiers de jeunesse, 1926-1930, éd. S....

6Ses mobiles sont également assez classiques. La peur du temps qui passe est souvent à l’origine de l’écriture autobiographique. Cependant Beauvoir l’éprouve très précocement et on a parlé à son propos de conscience traumatique du temps : « Une seule chose, par instants, m’assombrissait : un jour, je le savais, cette période de ma vie s’achèverait. » (96) Il est remarquable, que le 17 avril 1927, à 19 ans, elle écrivait déjà dans son journal : « J’aimerais écrire un roman : d’une jeune fille que son futur visage de 40 ans effraie tant qu’elle emploie toutes ses forces à se refuser à vivre8. » Elle évoque son goût à quinze ans pour les journaux intimes « qui s’efforcent de retenir le temps. » (187) À cinquante ans, la conscience de son propre vieillissement exacerbe ce rapport traumatique au temps.

  • 9 L’autobiographie, op. cit., p. 129.

  • 10 Voir aussi p. 86, 272, 301.

7Cette conscience du temps a pour corollaire la peur de la mort. Beauvoir illustre le rapport privilégié que l’écriture autobiographique entretient avec la mort. Comme l’expliquent Jacques Lecarme et Éliane Lecarme-Tabone, « Personne n’écrirait son autobiographie s’il n’avait pas découvert concrètement son caractère mortel : la mort d’un père, d’une mère, d’un frère peut provoquer un portrait du disparu, qui tournera à l’autoportrait9. » Nous verrons que la mort de Zaza est un élément essentiel dans le passage à l’acte de l’écriture autobiographique. Mais avant même ce drame, la perspective de la mort angoisse la jeune Beauvoir. Elle rapporte à plusieurs reprises les crises de l’enfant puis de l’adolescente : « Un après-midi, à Paris, je réalisai que j’étais condamnée à mort. Il n’y avait personne que moi dans l’appartement et je ne refrénai pas mon désespoir ; j’ai crié, j’ai griffé la moquette rouge. [...] Il me semblait impossible de vivre toute ma vie le cœur tordu par l’horreur. » (182) Cette peur est si forte qu’elle se traduit par un malaise physique : « La peur de la mort ne m’avait pas quittée, je ne m’y habituais pas ; il m’arrivait encore de trembler et de pleurer de terreur. » (349)10.

8Ce rapport privilégié de l’autobiographe au temps et à la mort est aigu chez Beauvoir et rend cruciale la nécessité de sauver le passé en le ressuscitant par l’écriture.

9Elle est enfin à la recherche d’un sens. Il s’agit de récapituler sa vie en en dégageant les lignes de force et la cohérence, à savoir comment la jeune fille s’est émancipée de son milieu et comment s’est dessinée sa vocation d’écrivain.

10Les Mémoires révèlent aussi qu’elle a éprouvé très tôt l’envie de se raconter.

L’envie de se raconter

11Beauvoir raconte dans les Mémoires d’une jeune fille rangée, ses premières tentatives d’écriture. Directement ou transposée, c’est toujours l’histoire de sa vie que la jeune Simone tente de mettre en mots. Étudiante, en désaccord avec sa famille, elle décide de « communiquer la solitaire expérience » qu’elle est en train de traverser. Elle écrit les premières pages d’un roman, et se représente sous les traits d’un personnage, Éliane. Celle-ci, en promenade avec son cousin et sa cousine, capture un scarabée, l’enferme dans sa main et refuse obstinément de le montrer. Elle en propose cette analyse : « Cet apologue traduisait le plus obsédant de mes soucis : me défendre contre autrui ; » (251)

12Un peu plus tard, elle écrit ce qu’elle qualifie de « première œuvre ». Rêvant d’écrire « un roman de la vie intérieure », et de « communiquer son expérience », elle y raconte l’« évasion manquée » d’une héroïne, âgée de dix-huit ans comme elle, et promise à un fiancé : « Je ne me fis pas d’illusion sur la valeur de ce récit ; mais c’était la première fois que je m’appliquais à mettre en phrases ma propre expérience et je pris plaisir à l’écrire. » (273)

  • 11 Voir p. 302, 386.

  • 12 J. Deguy, « Simone de Beauvoir : la quête de l’enfanc...

13D’autres tentatives sont rapportées11. Jacques Deguy a montré par ailleurs que dans ses premiers romans, Beauvoir a prêté à plusieurs de ses personnages des bribes de son enfance, confortant ce désir de récit d’enfance12.

14Parallèlement à ces essais romanesques, Beauvoir écrit dans un journal intime. Cette pratique, qui sera intermittente au cours de sa vie, commence en 1926 :

Mon enfance, mon adolescence, s’étaient écoulées sans heurt ; d’une année à l’autre, je me reconnaissais. Il me sembla soudain qu’une rupture décisive venait de se produire dans ma vie ; je me rappelais le cours Désir, l’abbé, mes camarades, mais je ne comprenais plus rien à la tranquille écolière que j’avais été quelques mois plus tôt ; à présent, je m’intéressais à mes états d’âme beaucoup plus qu’au monde extérieur. Je me mis à tenir un journal intime […]. (246)

15L’envie de se raconter, de parler de soi est donc très précoce chez Beauvoir. Comment se fait le « passage à l’acte », l’expression étant appropriée pour désigner un désir longtemps refoulé ?

Le passage à l’acte

16Elle explique dans le prologue de la Force de l’âge :

A cinquante ans, j’ai jugé que le moment était venu ; j’ai prêté ma conscience à l’enfant, à la jeune fille abandonnée au fond du temps perdu, et perdues avec lui. Je les ai fait exister en noir et blanc sur du papier. (FA, 11)

17Elle a été à plusieurs reprises sur le point de se lancer. En novembre 39, elle renonce préférant alors « vivre activement » plutôt que de se « recenser ». (481) En 1947, elle semble bien décidée à le faire :

En fait, j’avais envie de parler de moi. J’aimais L’Âge d’homme de Leiris ; j’avais du goût pour les essais-martyrs où on s’explique sans prétexte. Je commençai à y rêver, à prendre quelques notes, et j’en parlai à Sartre. Je m’avisai qu’une première question se posait : qu’est-ce que ça avait signifié pour moi d’être une femme ? […] Je regardai et j’eus une révélation ; ce monde était un monde masculin, mon enfance avait été nourrie de mythes forgés par des hommes et je n’y avais pas du tout réagi de la même manière que si j’avais été un garçon. Je fus si intéressée que j’abandonnai le projet d’une confession personnelle pour m’occuper de la condition féminine dans sa généralité. (FCI, 135-136)

18Sur le point de parler d’elle-même, Beauvoir prend conscience qu’elle est une femme, elle écrit Le Deuxième Sexe.

19En 1954, ayant achevé Les Mandarins, elle se remet à écrire : « Le seul projet qui me tînt à présent à cœur, c’était de ressusciter mon enfance et ma jeunesse, et je n’osais pas le faire sans détour. » (FCII, 39) Ce « détour », c’est une longue nouvelle sur la mort de Zaza, mais c’est un échec, et ce n’est pas le premier. Elle analyse ainsi ses différents essais :

  • 13 Transposition de Zaza dans Quand prime le spirituel. ...

J’avais tracé d’Anne13 un portrait plus plausible et plus attachant que dans les versions précédentes : on ne croyait tout de même pas à l’intensité de son malheur, ni à sa mort. Peut-être le seul moyen d’en persuader le lecteur était-il de les raconter dans leur vérité. Après avoir écrit Les Mandarins, j’essayai encore une fois de transposer dans un long récit la tragique fin de Zaza : j’avais acquis du métier, et pourtant je n’en vins pas à bout. (FA, 257-258)

20Beauvoir comprend que la fiction n’est pas le genre adapté pour raconter la mort de Zaza. Il faut la raconter dans sa vérité.

21Ainsi les deux « moteurs » de ce volume sont le désir de raconter son enfance et son corollaire, la mort de son amie. Quelle forme va-t-elle donner à ce récit ?

Les choix formels : quelle autobiographie ?

22La définition de Lejeune citée dans l’introduction met en jeu des éléments appartenant à des catégories différentes : la forme du genre (récit, en prose), le sujet traité (vie individuelle, histoire d’une personnalité), la situation de l’auteur (identité de l’auteur, dont le nom renvoie à une personne réelle, et du narrateur), la position du narrateur (identité du narrateur et du personnage principal, perspective rétrospective du récit). Confrontons les Mémoires d’une jeune fille rangée à ce cahier des charges.

Le pacte autobiographique

23L’autobiographie, le plus souvent écrite à la première personne, repose sur l’identité entre l’auteur et le narrateur-personnage. Comment s’établit-elle ?  

  • 14 Le Pacte autobiographique, op. cit., p. 22.

24Lejeune explique que cette identification est possible grâce au nom propre : « C’est dans le nom propre, que personne et discours s’articulent avant même de s’articuler dans la première personne, comme le montre l’ordre d’acquisition du langage par les enfants14. » C’est dans le nom inscrit sur la couverture et sur la page de garde que se résume l’existence de ce qu’on appelle l’auteur. Ce nom engage une personne réelle, c’est-à-dire dont l’existence est avérée par l’état civil et vérifiable :

  • 15 Ibid., p. 23-24.

L'autobiographie (récit racontant la vie de l'auteur) suppose qu'il y ait identité de nom entre l'auteur (tel qu'il figure, par son nom, sur la couverture), le narrateur du récit et le personnage dont on parle. C'est là un critère simple, qui définit en même temps tous les autres genres de la littérature intime (journal, autoportrait, essai) 15.

25L’autobiographie suppose donc une identité assumée au niveau de l’énonciation, et secondairement une ressemblance produite au niveau de l’énoncé. Cette identité est affirmée par « le pacte autobiographique », notion créée par Lejeune :

  • 16 Ibid., p. 26.

Le pacte autobiographique, c'est l'affirmation dans le texte de cette identité, renvoyant en dernier ressort au nom de l'auteur sur la couverture. Les formes du pacte autobiographique sont très diverses : mais toutes, elles manifestent l'intention d'honorer sa signature. Le lecteur pourra chicaner sur la ressemblance, jamais sur l'identité. On sait trop combien chacun tient à son nom16.

  • 17 Ibid., p. 27

  • 18 Idem.

26Ce pacte peut s’établir de manière implicite ou patente. Il s’établit implicitement au niveau de la liaison auteur-narrateur, à l’occasion du pacte autobiographique qui peut prendre deux formes : l’emploi de titre ne faisant aucun doute sur le fait que la première personne renvoie au nom de l’auteur (Histoire de ma vie, Autobiographie...) ou la section initiale du texte où « le narrateur prend des engagements vis-à-vis du lecteur en se comportant comme s'il était l'auteur, de telle manière que le lecteur n'a aucun doute sur le fait que le "je" renvoie au nom porté sur la couverture, alors même que le nom n'est pas répété dans le texte17. » De manière patente, le pacte s’établit au niveau du nom que se donne le narrateur-personnage dans le récit lui-même et qui est le même que celui de l’auteur sur la couverture. Lejeune conclut : « Il est nécessaire que l'identité soit établie au moins par l'un des deux moyens ; il arrive souvent qu'elle le soit par les deux à la fois18. »

  • 19 Voir, pour une analyse détaillée du titre, É. Lecarme...

27Les Mémoires d’une jeune fille rangée ne comportent aucun texte liminaire, contrairement aux volumes autobiographiques suivants. Ainsi l’identification du texte autobiographique comme tel, passe dans un premier temps par le titre19 qui indique un écrit « personnel ». L’identité auteur-narratrice est ensuite rapidement établie dès la première phrase qui nous renseigne sur l’état civil d’autant plus vérifiable que Beauvoir est une personnalité connue, « Je suis née à quatre heures du matin, le 9 janvier 1908... », puis par l’utilisation du prénom quelques pages plus loin : « On disait aussi, non sans un soupçon de fierté : "Simone est têtue comme une mule." » (22) Le patronyme « Beauvoir » est également utilisé à plusieurs reprises. Le pacte est même redoublé par un second nom : celui de « Castor », donné par Herbaud et qui perdurera pour la désigner. (426) L’utilisation enfin de noms propres renvoyant à des personnes réelles, comme celui de Simone Weil, Merleau-Ponty et surtout et enfin Sartre, confortent cette identité entre l’auteur et la narratrice-personnage.

28Enfin, l’épitexte contemporain, comme on l’a vu dans l’introduction, fera intervenir le terme d’autobiographie. La réception de ce récit en tant qu’autobiographie est donc bien « programmée ».

Choix de l’ordre chronologique

  • 20 Interview pour France-Observateur, 4 juin 1958, citée...

29Les Mémoires d’une jeune fille rangée épousent la définition de Lejeune. Il s’agit bien d’un récit rétrospectif, qui couvre l’enfance et la jeunesse de Simone de Beauvoir. On l’a vu, sa date de naissance est donnée dès la première page et on la quittera l’année de ses 21 ans, en 1929. Coupure qui n’est en rien arbitraire : « Je me suis arrêtée à l’âge de vingt et un ans, parce que c’est la grande cassure de ma vie : le départ de ma famille, la liquidation de ma jeunesse, l’agrégation, la rencontre de Sartre et de tout un nouveau milieu, la mort de ma meilleure amie20. »

30Il respecte par ailleurs un ordre chronologique, ordre majoritairement choisi par les autobiographes, même s’ils en relèvent souvent les faiblesses. C’est le cas de Beauvoir qui en justifiera l’abandon dans Tout compte fait. Le lecteur a l’impression qu’on ne lui livre jamais que « l’accessoire » et que l’essentiel est toujours plus loin :

En la contenant dans des phrases, mon récit fait de mon histoire une réalité finie, qu'elle n'est pas. Mais aussi il l'éparpille, la dissociant en un chapelet d'instants figés, alors qu'en chacun passé, présent et avenir étaient indissolublement liés. (TCF, 9)

31Pour autant, elle explique également pourquoi l’ordre chronologique convenait tout particulièrement aux Mémoires d’une jeune fille rangée : « Vivre était pour moi une entreprise clairement orientée et pour en rendre compte il me fallait en suivre le cheminement. » (TCF, 10)

  • 21 Voir critique de Philippe Lejeune sur ce choix (Le Pa...

32Les Mémoires sont effectivement clairement « orientés », structurés à partir de la trajectoire d’émancipation de la jeune fille, et résolument tournés vers son avenir. On y décèle l’influence de la philosophie existentialiste au cœur de laquelle on trouve la notion de projet. L’individu ne peut accéder à l’être qu’en étant animé de projets, qu’en cherchant la transcendance à travers ses actes. Ainsi l’avenir a une place cruciale dans la manière dont Beauvoir raconte sa vie. Seul l’ordre chronologique permettait de raconter son présent et son avenir d’alors, et surtout celui auquel elle a échappé, celui de Zaza et des autres jeunes filles rangées. Le choix d’un ordre est donc aussi celui d’un sens21.

  • 22 Interview pour France-Observateur, 4 juin 1958, citée...

  • 23 Voir É. Lecarme, op. cit., 54-55.

  • 24 Voir aussi p. 153, 388, 395.

33Cet ordre chronologique connaît cependant des entorses. Elle parle d’ailleurs d’« un ensemble à la fois linéaire et synthétique dans un développement continu qui m’a faite ce que je suis, qui a déterminé ma vocation d’écrivain22. » Le respect de la chronologie se combine avec des regroupements thématiques23. Elle s’autorise par ailleurs quelques anticipations : la plus marquante24 concerne le destin de Jacques (457-459).

Les thèmes abordés : une autobiographie féminine ?

34Là aussi, les thèmes sont ceux assez classiquement abordés par l’autobiographie.

  • 25 L’autobiographie, op. cit., p. 28-29.

35Jacques Lecarme et Éliane Lecarme-Tabone proposent « comme condition nécessaire et non suffisante à l’identification d’une autobiographie la présence d’un récit de jeunesse, ou d’enfance et d’adolescence, ou d’enfance seulement25. » Il s’agit de raconter l’enfance, d’expliquer le passage à la maturité, de cerner comment la personnalité s’est constituée. Dans l’histoire de cette enfance, les relations aux parents, à la fratrie, à autrui sont cruciales.

  • 26 L’autobiographie, op. cit. :on lira avec profit la so...

  • 27 Ibid., p. 93.

  • 28 Ibid., p. 95.

36Y a-t-il une « autobiographie des femmes » interroge Éliane Lecarme26 ? Poser une telle question n’est pas sans risque, celui d’imputer à une « nature féminine » ce qui relève en fait des conditions sociales imposées aux femmes. Cependant « un genre aussi étroitement lié que l’autobiographie à la construction de l’identité ne peut rester étranger à la question du sexe27 ». Éliane Lecarme relève ainsi quelques spécificités. L’importance du corps d’abord : les femmes autobiographes mentionnent souvent leur beauté ou leur laideur, leurs tenues, l’impression qu’elles produisent sur les autres : « Même Simone de Beauvoir, interdite de coquetterie par une éducation puritaine, sait et dit discrètement quand sa propre image la séduit28. » Et effectivement Simone de Beauvoir donne des indications sur son physique, ses vêtements, tour à tour belle et élégante, laide ou mal habillée : « J’aurais eu honte d’attacher de l’importance à la parure et de me mirer longuement dans les glaces ; toutefois, lorsque les circonstances m’y autorisaient, je considérais mon reflet avec faveur. » (116)

  • 29 Voir aussi p. 185-186, 189, 428.

  • 30 L’autobiographie, p. 120.

37Toutes les femmes mentionnent les aventures spécifiques de leur corps. Beauvoir raconte l’arrivée des règles et détaille les réactions de sa mère et de son père. (134) La maternité, la grossesse sont abordées pour expliquer qu’elle les a très tôt refusées : « J’étais réfractaire au mariage et à la maternité29. » (115) Les femmes autobiographes décrivent également avec précision les relations fille-mère et fille-père. Les relations à la mère et leur évolution sont centrales dans le récit de Beauvoir : de la mère aimée passionnément pendant l’enfance à la mère suspicieuse, tyrannique, indiscrète de l’adolescente. L’admiration du père pour Simone, sa légèreté, vont progressivement aussi évoluer vers la méfiance. Beauvoir consacre de longues pages à sa relation avec sa sœur. La relation de couple a enfin une place particulière dans les autobiographies féminines : même si Sartre n’apparaît qu’à la toute fin, son ombre « plane30 » sur tout le récit. Et plusieurs pages sont consacrées à ses relations avec Jacques, Herbaud, quelques « brouillons » avant la formation du couple mythique.

  • 31 Ibid., p. 103.

  • 32 Idem.

38Par ailleurs, « pour se connaître et se dire, les femmes autobiographes sont amenées à se situer par rapport à l’ensemble des femmes, c’est-à-dire par rapport à un groupe défini par son sexe, tandis que l’homme interroge son identité sur fond d’universel31. » Quel que soit leur point de vue – naturaliste ou culturaliste – les femmes cherchent à savoir « en quoi la construction de leur identité fut tributaire de ces modèles, mais surtout en quoi et pourquoi elles s’en sont séparées32 ». Beauvoir confronte son destin à celui des autres jeunes filles rangées et en particulier à Zaza. Elle en conclut que, destinée par la ruine familiale à travailler, elle aura un destin beaucoup plus enviable : « Je gagnerais ma vie. Je serais libre. » (200) Elle s’interroge sur son appartenance sexuelle : « Papa disait volontiers "Simone a un cerveau d’homme. Simone est un homme". Pourtant on me traitait en fille. » (161)

  • 33 Voir aussi p. 92-93.

39Enfin les femmes évoquent leur vocation d’écrivain, mais elles sont assez rares à affirmer leur future vocation dès l’enfance. Beauvoir en fait partie. Les Mémoires sont jalonnées de références à cette vocation. À quinze ans, à la question « Que voulez-vous faire plus tard », elle répondit « Être un auteur célèbre33. » (186)

40Les Mémoires d’une jeune fille rangée offrent donc une forme assez conventionnelle même si quelques spécificités se dessinent.

À la frontière du roman et de l’essai

  • 34 L’autobiographie, p. 128.

41« Un genre littéraire ne vaut pas par ses normes, mais par ses écarts34. » Beauvoir étant d’abord romancière et essayiste avant d’être autobiographe, il est fructueux de confronter les Mémoires aux autres genres qu’elle pratique, afin de cerner les spécificités de son écriture autobiographique.

Des éléments romanesques

  • 35 Des sentiments exacerbés, des actions ou des caractèr...

42Nous prenons ici le terme romanesque à la fois dans son sens générique (relatif au genre du roman) et dans un sens thématique35.

43Beauvoir « passe » à l’autobiographie, consciente des faiblesses du roman :

  • 36 C. Francis, F. Gontier, Les Écrits de Simone de Beauv...

J’étais agacée de n’arriver à faire voir le monde que d’une manière déformée, à travers des intrigues trop construites, des épisodes trop signifiants. Alors j’ai pensé qu’au lieu d’éliminer les contingences, la facticité, comme on fait dans le roman, il y avait une démarche inverse qui consistait à prendre appui sur la contingence, sur la facticité36.

  • 37 Voir É. Lecarme, op. cit. , p. 94-95.

44Cette explication semble donc « distribuer » les deux genres : au roman la nécessité, à l’autobiographie la contingence. Et pourtant les Mémoires obéissent à une forme de « nécessité » : ce récit a une forte unité dramatique organisée autour de l’émancipation de la jeune fille et autour du destin tragique de Zaza. L’ordre chronologique accentue cette unité puisque le déroulement du temps nous conduit au dénouement de ces deux « intrigues », où le sort des deux amies est scellé. Cette unité a pour corollaire une certaine tension narrative, si ce n’est une forme de suspense : Beauvoir sème les indices de sa libération prochaine, annonce par petites touches le funeste destin de Zaza (pâleur, maigreur), comme la rencontre avec Sartre37. Cette analyse est confortée par la confrontation avec les volumes suivants qui n’auront pas cette unité, elle le constate elle-même : « les Mémoires d'une jeune fille rangée ont une unité romanesque qui manque aux volumes suivants. Comme dans les romans d'apprentissage, du début à la fin le temps coule avec rigueur » (TCF, 27). Pour autant, la « contingence » n’est pas absente : on suit aussi bien les intermittences de son humeur, de l’optimisme à l’abattement, que celles de son cœur, notamment dans ses relations avec Jacques. Les extraits de son journal intime contribuent à atténuer ce qui semble être le déroulement implacable d’un destin.

  • 38 Ibid., p. 160.

45Récit romanesque aussi parce que les autres figures se révèlent de véritables personnages : la mère, Poupette, Zaza, Jacques sont approfondis. La focalisation interne est largement utilisée38. On évoque leur enfance, leurs sentiments, leur devenir et Beauvoir donne la parole à Zaza en citant largement ses lettres. Éliane Lecarme parle de récit de réparation, de « tombeau  de Zaza » : Beauvoir s’écarte de l’autobiographie stricte en faisant une large place à un autre personnage qu’elle-même.

46Enfin, sans omettre que Beauvoir a le sentiment d’avoir payé sa liberté de la mort de Zaza, cela « finit » bien pour elle : l’agrégation en poche, la rencontre avec Sartre, l’avenir qu’elle souhaitait s’ouvre enfin. La jeune Beauvoir a un destin tout à fait exceptionnel –réussite éclatante (agrégation), vocation d’écrivain, conversion à l’athéisme, refus du mariage bourgeois – un destin « romanesque » au sens d’extraordinaire.

Une autobiographie « philosophique »

47C’est par ailleurs en philosophe existentialiste que Beauvoir raconte son enfance et sa jeunesse.

48On remarque que ses relations à autrui sont analysées à l’aune de l’existentialisme et du concept d’antagonisme des consciences. Il s’agit toujours de comprendre pourquoi elle parvient à garder sa liberté face à autrui, à rester un « sujet », ou au contraire pourquoi elle se voit « annexée » par autrui, traitée en « objet », ou changée en « autre » par son regard. Pour sa mère, devenue méfiante envers elle, Beauvoir écrit : « J’étais à ses yeux, une âme en péril, une âme à sauver : un objet » (252), « leur regard [la mère et la sœur] me mettait en danger » (147). De même, elle insiste souvent sur le hiatus irréductible entre l’image qu’elle a d’elle-même et celle que lui renvoient les autres : « C’est seulement quand je me confrontais à Zaza que je déplorais amèrement ma banalité. J’étais jusqu’à un certain point victime d’un mirage : je me sentais du dedans, je la voyais du dehors : la partie n’était pas égale. » (151) A contrario, elle dépeint certaines relations sous l’angle d’une « radicale entente », et d’une exacte réciprocité, où chacun reste « sujet » : c’est le cas à certaines périodes de son amitié avec Zaza, et ce sera bien sûr parfaitement incarné dans la relation avec Sartre.

  • 39 É. Lecarme-Tabone, « Essai et autobiographie : du Deu...

  • 40 Voir p. 170 et 299.

49Par ailleurs, les analyses du Deuxième Sexe sous-tendent le portrait des figures féminines39. À propos de Françoise de Beauvoir, d’abord, mais aussi des autres jeunes filles rangées, elle insistera sur l’aliénation dont elles sont victimes, en tout premier lieu Zaza, dont elle attribuera la mort à l’hypocrisie de son milieu. De même elle analyse son indifférence aux événements extérieurs40, avec le recul de celle qui a découvert son « historicité » pendant la seconde guerre mondiale et qui est alors profondément atteinte par la guerre d’Algérie.

50Beauvoir utilise également dans une moindre mesure la psychanalyse, en reconnaissant pour elle-même et d’autres personnages, le caractère fondateur de l’enfance. Elle insiste sur le fait qu’elle a eu un « bon départ », entourée d’affection, encouragée, et admirée, au moins jusqu’à l’adolescence. Elle explique aussi les destins de sa mère, de Zaza et de Jacques à l’aune de leur enfance.

Une re-création du passé

  • 41 Voir aussi, entre autres : « Je n’aperçus jamais ce q...

51Ces éléments révèlent la présence de l’autobiographe adulte qui porte sur son enfance un regard rétrospectif. Celle-ci explique, interprète, rectifie, avec lucidité et souvent humour. Elle utilise de façon récurrente les expressions « en vérité », « à vrai dire », « en réalité », montrant comment elle a pu se tromper ou se fourvoyer. Émerveillée, enfant, par l’originalité de Zaza, elle rectifie : « À vrai dire, sa marge d’originalité était fort mince ; fondamentalement, Zaza exprimait, comme moi, son milieu41. » (153) L’autobiographe apparaît aussi à travers l’utilisation du présent de l’écriture : « je me rends compte aujourd’hui… » (77), « l’image que je retrouve de moi aux environs de l’âge de raison » (82). Elle renvoie également à l’acte de construction du récit lui-même : « Il est temps de dire » « Je parlerai plus loin » (60).

52Cette présence de l’énonciatrice adulte nous amène à revenir à la définition de l’autobiographie et à l’identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage. En effet, comme l’explique Lejeune, identité n’est pas ressemblance (voir II, 2). Importe moins ici de savoir si Beauvoir était telle qu’elle se décrit que de comprendre le regard qu’elle porte sur celle qu’elle a été. Rechercher une ressemblance exacte entre la petite fille qu’elle a été et le portrait qu’elle en fait, serait méconnaître cette distance entre le je vécu et le je qui écrit : « Le je qui parle se tient à distance du je vécu comme chaque phrase de l'expérience dont elle émane. » (TCF,164)

  • 42 On trouve encore « écrire une autobiographie, c’est v...

  • 43 É. Lecarme, op. cit., p. 216 et 218.

  • 44 P. Lejeune, op.cit., p. 39-40.

53Ainsi l’autobiographe ressuscite son enfance en la recomposant : « Pendant dix-huit mois, avec des hauts, des bas, des difficultés, des joies je m’attachai à cette résurrection : une création, car elle faisait appel à l'imagination et à la réflexion autant qu'à la mémoire. » (FCII, 129)42. » Ce travail « créateur » questionne la vérité de l’autobiographie. Elle est forcément soumise aux aléas de la mémoire, au regard rétrospectif, aux omissions volontaires, voire aux mensonges. Même si l’autobiographe s’engage à être la plus exacte possible (« Je n’ai pas voulu truquer », « en écrivant ces mémoires, j’ai soigneusement respecté la vérité et en ce qui me concerne, je n’ai rien omis43 »), même si elle donne des « gages » de véracité et de fidélité en citant abondamment son journal intime, il y a une part d’interprétation et de création, voire de déformation. Inexactitude, mensonge diront certains, mais authenticité44 du geste d’écriture comme l’explique Philippe Lejeune : à défaut de savoir exactement qui a été la jeune Beauvoir, on sait précisément l’image que l’adulte autobiographe veut donner d’elle-même.

54La question de la vérité de l’autobiographie doit donc être dépassée. Ce premier volume des mémoires de Beauvoir pose la première pierre de ce que Lejeune a nommé l’espace autobiographique :

  • 45 Ibid., p. 42.

Il ne s'agit plus de savoir lequel, de l'autobiographie ou du roman, serait le plus vrai. Ni l'un ni l'autre ; à l'autobiographie, manqueront la complexité, l'ambiguïté, etc. ; au roman, l'exactitude ; ce serait donc : l'un plus l'autre ? Plutôt : l'un par rapport à l'autre. Ce qui devient révélateur, c'est l'espace dans lequel s'inscrivent les deux catégories de textes, et qui n'est réductible à aucune des deux. Cet effet de relief obtenu par ce procédé, c'est la création, pour le lecteur, d'un « espace autobiographique »45.

55Les Mémoires, puis la suite du cycle mémorial, invitent à relire les romans et les essais, sous l’angle autobiographique. Comme la publication posthume des correspondances et des Cahiers de jeunesse, inviteront à relire le cycle mémorial et à mesurer les écarts qui révèlent le travail proprement littéraire de reconstruction que constitue l’autobiographie.

Conclusion

56Les Mémoires d’une jeune fille rangée constituent donc une forme assez classique d’autobiographie. C’est à l’approche de la cinquantaine, mue par le souci de sauver le passé et la volonté de donner un sens à ce qu’elle a vécu, que Beauvoir passe à l’acte. Elle a alors également compris que la fiction ne viendrait pas à bout de la mort de Zaza. Elle écrit une autobiographie classique dans sa forme, respectant un ordre chronologique et des thèmes attendus. Pour autant, c’est aussi une autobiographie singulière car Beauvoir analyse son enfance au prisme des concepts existentialistes et féministes, et le regard de l’adulte éclaire l’enfant et la jeune fille qu’elle a été, avec lucidité, humour et bienveillance. Ce récit est au service d’un sens : montrer le caractère exceptionnel de cette jeune fille rangée, les autres personnages offrant un contrepoint souvent malheureux. Par ces aspects le récit a des résonances philosophiques et romanesques. Le « je qui écrit » est bel et bien présent. Et à ce titre, il s’adresse implicitement au lecteur qui lit. C’est bien là une particularité de l’autobiographie : le « je » appelle un « vous » qui écoute et à qui il s’adresse. C’est le genre qui convenait à Beauvoir qui, dans ses mémoires, a voulu « communiquer le goût de sa vie » et surtout parler au lecteur de « personne à personne. » (FA, 12)

Notes

1 S. de Beauvoir, Mémoires, éd. dir. par J.-L. Jeannelle et É. Lecarme-Tabone, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », vol. I pour les Mémoires d’une jeune fille rangée, 2018.

2 Les œuvres citées le sont comme suit : Mémoires d’une jeune fille rangée, Paris, Gallimard, 1958, coll. « Folio » (2008). (Les références de page seront données directement). La Force de l’âge, Gallimard, 1960, coll. « Folio », (FA), La Force des choses I et II, Paris Gallimard, 1963, coll. « Folio », (FC), Tout compte fait, Paris, Gallimard, 1972, coll. « Folio », (TCF).

3 Une mort très douce (1963), La Cérémonie des adieux (1981) ont un statut un peu particulier de récits de deuil.

4 P. Lejeune, Le Pacte autobiographique, coll. « Points Essai », Paris, Éditions du Seuil, 1975, 1996, p. 14.

5 É. Lecarme-Tabone, Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir, Paris, Gallimard, coll. « Foliothèque », n° 85, 2000, p. 216-218.

6 J. Lecarme, É. Lecarme-Tabone, L’autobiographie, Paris, Armand Colin, [1997], 1999, p. 128.

7 Voir également : É. Lecarme, op .cit., p. 37-38.

8 S. de Beauvoir, Cahiers de jeunesse, 1926-1930, éd. S. Le Bon de Beauvoir, Paris, Gallimard, 2008, p. 307.

9 L’autobiographie, op. cit., p. 129.

10 Voir aussi p. 86, 272, 301.

11 Voir p. 302, 386.

12 J. Deguy, « Simone de Beauvoir : la quête de l’enfance, le désir du récit, les intermittences du sens », dans Revue des sciences humaines, n°222, 1991-192, p. 63-101. Voir également la notice de la Pléiade, p. 1222.

13 Transposition de Zaza dans Quand prime le spirituel. Ce recueil a été refusé en 1937 par Grasset et Gallimard. Il sera publié en 1979.

14 Le Pacte autobiographique, op. cit., p. 22.

15 Ibid., p. 23-24.

16 Ibid., p. 26.

17 Ibid., p. 27

18 Idem.

19 Voir, pour une analyse détaillée du titre, É. Lecarme, op. cit., p. 47-51.

20 Interview pour France-Observateur, 4 juin 1958, citée dans É Lecarme, op. cit., p. 216.

21 Voir critique de Philippe Lejeune sur ce choix (Le Pacte autobiographique, op. cit., p. 200), critique réfutée par Éliane Lecarme (L’autobiographie, op. cit., p. 56-58).

22 Interview pour France-Observateur, 4 juin 1958, citée dans É. Lecarme, op. cit., p. 216.

23 Voir É. Lecarme, op. cit., 54-55.

24 Voir aussi p. 153, 388, 395.

25 L’autobiographie, op. cit., p. 28-29.

26 L’autobiographie, op. cit. :on lira avec profit la sous-partie I, « L’autobiographie des femmes », p. 93-124.

27 Ibid., p. 93.

28 Ibid., p. 95.

29 Voir aussi p. 185-186, 189, 428.

30 L’autobiographie, p. 120.

31 Ibid., p. 103.

32 Idem.

33 Voir aussi p. 92-93.

34 L’autobiographie, p. 128.

35 Des sentiments exacerbés, des actions ou des caractères extrêmes ou extraordinaires, des péripéties et rebondissements et une axiologie assez simple. On peut y ajouter si ce n’est du suspense, au moins une tension narrative. (Voir sur ce point : Jean-Marie Schaeffer, « La catégorie du romanesque », in Gilles Declercq, Michel Murat (dir.), Le romanesque, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2004, p. 296-300)

36 C. Francis, F. Gontier, Les Écrits de Simone de Beauvoir, Paris, Gallimard, 1979, p. 449.

37 Voir É. Lecarme, op. cit. , p. 94-95.

38 Ibid., p. 160.

39 É. Lecarme-Tabone, « Essai et autobiographie : du Deuxième sexe aux Mémoires d'une jeune fille rangée », Les Temps Modernes, vol. 654, n° 3, 2009, p. 1-21.

40 Voir p. 170 et 299.

41 Voir aussi, entre autres : « Je n’aperçus jamais ce qu’il y avait de grinçant dans ses paradoxes » (155), « je ne soupçonnais rien » (231), « je ne compris pas » (233).

42 On trouve encore « écrire une autobiographie, c’est vraiment re-créer des événements qu’on a derrière soi sous forme de souvenirs. Il faut les réanimer, les ressusciter, ce qui exige un travail véritablement créateur. », Écrits de Simone de Beauvoir, op. cit., p. 451-452.

43 É. Lecarme, op. cit., p. 216 et 218.

44 P. Lejeune, op.cit., p. 39-40.

45 Ibid., p. 42.

Pour citer cet article

Anne Strasser, «Le genre de Mémoires d’une jeune fille rangée : une autobiographie classique ?», Op. cit., revue des littératures et des arts [En ligne], « Agrégation 2019 », n° 19, automne 2018 , mis à jour le : 30/11/2018, URL : https://revues.univ-pau.fr:443/opcit/index.php?id=412.

Quelques mots à propos de :  Anne Strasser

Anne Strasser est maître de conférences en langue et littérature françaises à l’Université de Lorraine et membre de l’équipe LIS (Littératures, Imaginaire, Sociétés).

Elle a co-dirigé l’ouvrage (Re) Découvrir l’œuvre de Simone de Beauvoir, du Deuxième Sexe à La Cérémonie des adieux (Éditions du Bord de l’Eau, 2008). Ses recherches concernent l’œuvre autobiographique de Simone de Beauvoir et plus généralement les écritures de soi contemporaines (identité, filiation, écritures du deuil). Elle étudie plus spécifiquement la réception de l’autobiographie à travers des lettres de lecteurs (voir notamment « Les lettres de lecteurs : l’œuvre palimpseste d’Annie Ernaux », Roman 20-50, Presses Universitaires du Septentrion, n° 65, juin 2018, p. 189-199.)

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