XVIe siècle
Agrégation 2020
N° 20, automne 2019
« Des femmes gemissantes » : les chœurs de pleureuses dans les tragédies de Robert Garnier
Plan de l'article
Introduction
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1 J. Peletier du Mans, « A tresvertueux et noble homme Cr...
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2 F. Charpentier, Pour une lecture de la tragédie humanis...
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3 O. Millet, « Voix d’auteur, voix du peuple ? L’identité...
1Encore désigné par Peletier du Mans comme une « specialité » du théâtre antique en 15451, le chœur devient rapidement une « marque spécifique » de la tragédie française de la Renaissance2. S’ils sont imités de l’Antiquité, les chœurs tragiques du xvie siècle présentent, d’après Olivier Millet, un degré de caractérisation plus ferme que leurs homologues grecs et latins3. Cette caractérisation va de pair avec plusieurs phénomènes : « goût prononcé pour les chœurs féminins, notamment de pleureuses, multiplication des chœurs dans la même pièce en fonction de la pluralité des points de vue qui s’affrontent et qui ne sont pas forcément articulés entre eux de manière unifiée, mais aussi complexité des rapports d’un même chœur avec son protagoniste et de ses points de vue à l’égard de ce “héros” ». Ces pistes d’analyse ouvrent de nombreux champs d’investigation ; ici, nous nous concentrerons sur les chœurs de pleureuses dans les tragédies de Robert Garnier.
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4 Pour un aperçu historique de ces pratiques, on consulte...
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5 Sur ce point, voir N. Huston, « Pleureuses et rieuses, ...
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6 Voir N. Loraux, Les Mères en deuil, Paris, Seuil, 1990.
2Historiquement, une pleureuse est une femme, rémunérée ou proche du défunt, qui participe à des funérailles en proposant un spectacle ostentatoire du chagrin, selon une gestuelle codifiée ; cette activité, attestée depuis l’Antiquité, est du reste toujours d’actualité4. Or, si l’épopée intègre à ses marges le deuil féminin, la tragédie évacue quant à elle les combats pour se concentrer sur la souffrance des femmes5, et propose souvent la mise en scène de chœurs de pleureuses6. Dès lors, ressuscitant la tragédie antique, les dramaturges de la Renaissance retrouvent ces figures féminines qui incarnent et représentent le deuil sur la scène. Chez Garnier, ces dernières sont en outre plus présentes que dans les hypotextes immédiats, et semblent détenir une importance toute singulière : nous en donnerons ici quelques éléments de description et d’interprétation.
Les chœurs masqués
3Les pleureuses mettent en œuvre une gestuelle très aisément reconnaissable, sur laquelle nous allons revenir, qui permet en théorie leur identification rapide. Pourtant, chez Garnier, les listes de personnages brouillent en partie, pour le lecteur ou le metteur en scène, cette identification.
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7 Notons que celle-ci ne prend pas toujours ce nom, puisq...
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8 Comme le note Jean-Dominique Beaudin (« Sophocle, modèl...
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9 Outre la liste initiale, chaque tableau est précédé d’u...
4La grande majorité des tragédies du xvie siècle présente une liste des personnages7, qui caractérise souvent le chœur par son sexe, son appartenance ethnique ou politique, et parfois par une classe d’âge. Porcie et Antigone affichent trois chœurs dans leur liste des dramatis personae, dont, pour chacune, un féminin. Dans Porcie, première pièce du dramaturge, un « chœur » non déterminé occupe la scène durant les trois premiers actes ; il est relayé par un « chœur de soudards » à l’acte IV, puis par un « chœur de Romaines » à l’acte V, ce dernier venant pleurer le dénouement. Nous trouvons un procédé similaire dans Antigone : durant les trois premiers actes, le « chœur de Thebains » prend la parole ; le « chœur de vieillards » intervient à l’acte IV pour soutenir Antigone ; enfin, un « chœur de filles Thebaines », inventé par Garnier, se lamente lorsqu’Antigone lui dit adieu dans ce même acte IV8. Ainsi, ces deux tragédies font intervenir trois chœurs dont le dernier, le seul qui soit féminin, entre en scène pour pleurer la catastrophe. Or, cette configuration se retrouve dans deux autres tragédies de Garnier, sans que les listes initiales ou intermédiaires n’en rendent compte9.
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10 R. Garnier, Cornélie, éd. J.-C. Ternaux, Paris, Honoré...
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11 Cette pièce est la seule avec Hippolyte dont l’édition...
5Cornélie n’annonce que « le chœur » dans sa liste initiale de personnages. Les listes intermédiaires donnent bien des actes I à III, puis à nouveau à l’acte V, la mention « le chœur », que celui-ci intervienne à la fin de l’acte ou dans le dialogue. À l’acte IV, « le chœur » intervient au milieu de l’acte, mais c’est, d’après la didascalie, un « chœur des Césariens » qui propose le stasimon final10. Comment comprendre alors que ce chœur masculin ne soit pas mentionné par la liste initiale des dramatis personae ? Faut-il y voir un acte volontaire ou un oubli de l’auteur ou de l’éditeur11 ? De même, à l’acte III de Cornélie, alors que le « chœur » indéterminé est annoncé, l’héroïne dialogue brièvement avec un chœur féminin, non identifié par une didascalie, qu’elle trouve au beau milieu de lamentations :
12 R. Garnier, Cornélie, op. cit., v. 623-628, p. 75. L’é...
Corn. Quel désastre inhumain vos yeux de larmes bagne ?
Quel malheur survenu vous poind, tourbe compagne ?
Pourquoi vostre estomac vous allez-vous battant,
Et pourquoy poussez-vous un cri si eclattant ?
Dites, mes cheres sœurs, dites-moi, je trespasse
Que je ne sçay quel deuil en vostre cœur s’amasse12.
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13 À la fin de l’acte, le chœur indéterminé revient, voir...
6L’adresse aux « chères sœurs » indique que ce chœur est féminin, et Cornélie décrit les gestes rituels, sur lesquels nous allons revenir13. Ce chœur revient à l’acte V, toujours dans un dialogue avec Cornélie :
14 R. Garnier, Cornelie, op. cit., v. 1899-1910, p. 137. ...
Chœur. Pleurons, ô trouppe aimée, et qu’à jamais nos yeux
En nostre sein mourant, decoulent larmoyeux :
Pleurons, et de soupirs faisons grossir les nües,
Faisons l’air retentir de plaintes continües,
Battons-nous la poitrine, et que nos vestemens
Deschirez par lambeaux, tesmoignent nos tourmens :
Que nos cheveux retors d’une soigneuse cure,
Tombent de nostre chef flottans à l’avanture
Sans richesse, sans art : que l’or qui jaunissoit
De perles éclairé, loing de nos tempes soit.
Corn. Las que feray-je plus ? O mes compagnes cheres
Vivray-je helas vivray-je en ces douleurs ameres14 ?
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15 Voir R. Garnier, Cornélie, op. cit., v. 551-622, p. 71...
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16 Dans son article sur les chœurs d’Hippolyte (« Les chœ...
7La mention du « sein », de la « poitrine », des « cheveux », marque les corps du côté féminin, ce que confirme l’apostrophe de Cornélie aux « compagnes cheres » ; pourtant, aucune didascalie ni liste de personnages n’évoque ce chœur de femmes. Dès lors, faut-il considérer que Garnier prévoit deux chœurs, un chœur principal féminin et le second composé de Césariens, ou plutôt trois chœurs, le premier représentant le peuple romain dans son ensemble, le second, les Césariens, et le troisième, un collectif de femmes ? Considérant le contenu du second chœur15, qui condamne la tyrannie (et n’est donc pas césarien) mais rapporte une expérience guerrière (et ne serait donc pas féminin), la seconde structure est possible, d’autant que nous la trouvons dans Porcie et Antigone, et peut-être dans Hippolyte. La liste de cette tragédie annonce en effet deux chœurs masculins, un chœur d’Athéniens et un chœur de chasseurs, mais, ici aussi, l’acte V fait intervenir un chœur de femmes16 :
17 R. Garnier, Hippolyte, éd. J.-D. Beaudin, Paris, Class...
Chœur. Faison, ô mes compagnes,
Retentir les montagnes,
Et les rochers secrets,
De nos regrets17 […]
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18 L’absence d’identification précise du chœur à chaque a...
8Là encore, un chœur féminin (« compagnes ») intervient in extremis pour pleurer la catastrophe, et, comme dans Cornélie, aucune didascalie ni liste n’en rend compte18.
9Mieux encore, cette configuration se retrouve, sous une autre forme, dans Marc-Antoine et Les Juifves. Dans Marc-Antoine, la liste des dramatis personae annonce un « chœur d’Egyptiens » et un « chœur des soldars de Cesar ». Or, à l’acte V, Cléopâtre désigne par l’apostrophe « Compagnes » un collectif à qui elle demande de pleurer et de déployer les gestes du deuil :
19 R. Garnier, Marc-Antoine, éd. J.-C. Ternaux, Paris, Ga...
Vous compagnes, plorez, plorez, et de vos yeux
Faittes sur luy tomber un torrent larmoyeux,
Les miens n’en peuvent plus, consommez de la braise
Que vomist ma poitrine ainsi qu’une fournaise.
Plombez vostre estomach de coups multipliez,
Tirez avec effort vos cheveux deliez,
Outragez vostre face19 […]
10Faut-il considérer qu’elle s’adresse à un chœur féminin non annoncé par la liste ? Cette hypothèse reste possible mais Cléopâtre pourrait plutôt apostropher ses deux compagnes, Charmion et Eras : ce collectif féminin suffirait pour accompagner le deuil. De même, dans Les Juifves, si le chœur unique accompagne souvent Amital dans ses lamentations, la reine prononce ces mots à la fin de l’acte V, après le récit du supplice infligé à Sédécie et ses enfants :
20 R. Garnier, Les Juives, éd. M. Jeanneret, Paris, Galli...
Mes filles soupirez, pleurez, soyez en deul,
Ayez durant vos jours cet exercice seul20.
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21 Emmanuel Buron considère du reste qu’elles sont un « s...
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22 L’absence de prise de parole du chœur à l’acte V est e...
11Le chœur n’est pas annoncé par la liste intermédiaire et il ne prend pas la parole dans ce tableau : il semble plus probable qu’Amital s’adresse aux reines, les épouses de son fils Sédécie21, ce qui n’interdirait pas à un metteur en scène de placer le chœur des Juifves sur la scène22.
12Six des sept tragédies de Garnier présentent donc, au moment de leur dénouement, un collectif de femmes qui se lamente de la catastrophe, sans toujours être annoncé. Seule La Troade ne propose pas cette configuration ; néanmoins, elle met largement en scène, dans les actes précédents, les gestes rituels du deuil, qui sont donc présents dans l’ensemble des tragédies de Garnier.
Des gestes codifiés et orchestrés
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23 O. Millet, « La représentation du corps souffrant dans...
13En effet, ces chœurs et collectifs féminins mettent en œuvre la gestuelle codifiée des pleureuses. « Pleurs, sanglots, gémissements, larmes et coups assénés sur la poitrine et le haut du corps, et parfois perte de connaissance », mais aussi chant, cris et larmes23 : nous observons ces gestes dans les extraits cités de Cornélie et de Marc-Antoine, et nous les retrouvons dans l’ensemble des pièces. Les pleureuses, comme leur nom l’indique, font couler les larmes à flots, ainsi que l’exprime le chœur féminin de l’acte V d’Hippolyte :
24 R. Garnier, Hippolyte, op. cit., v. 2269-2272, p. 177.
Que les larmes roulantes
De nos faces dolentes,
Des sablonneux ruisseaux
Enflent les eaux24.
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25 Pour une analyse de ces chants déploratifs et de leur ...
14Elles font également entendre leurs « regrets » (v. 2264), souvent constitués du chant plaintif du chœur qui emprunte un schéma métrique et rimique différents des dialogues25. En outre, elles mettent en œuvre une gestuelle conventionnelle et reconnaissable :
26 R. Garnier, Hippolyte, op. cit., v. 2301-2304, p. 178.
Plombons nostre poitrine
D’une dextre mutine,
Et nous faisons de coups
L’estomac roux26.
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27 R. Garnier, La Troade, op. cit., v. 165-176, p. 391 pu...
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28 Ibid., v. 159-160, p. 391. De même, lorsqu’Andromaque ...
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29 D’après Danièle Alexandre-Bidon, cela s’explique par l...
15Il s’agit de se frapper la poitrine, et parfois de se dénuder pour pouvoir se battre le « triste sein27 » , mais aussi de se délier les cheveux, comme Hécube le demande aux Troyennes à l’acte I de La Troade28. Les cheveux détachés et la nudité partielle pourraient marquer le caractère socialement inconvenant de l’événement ; c’est précisément sous cette forme que ces gestes se sont ritualisés29.
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30 « Dès l’abord, il faut souligner que les pleureuses et...
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31 H. Monsacré, Les Larmes d’Achille. Le Héros, la femme ...
16Cette codification implique depuis l’Antiquité que ces gestes soient en partie réservés aux femmes30. Plus précisément, d’après Hélène Monsacré, ils sont possibles mais nécessitent une adaptation dès lors qu’ils passent au masculin31 ; en outre, ils se déploient alors en dehors du rite officiel. Dans Hippolyte, le messager rapporte que des hommes ont mis en œuvre les gestes du deuil lorsque leur chef est mort :
32 R. Garnier, Hippolyte, op. cit., v. 2139-2142, p. 171.
Nous qui l’avons servi, nous jettons contre terre,
Nous deschirons la face, et chacun d’une pierre
Nous plombons la poitrine, et de cris esclatants,
Palles et deformez, l’allons tous lamentans32.
17Pour les corps masculins, les pleurs et les cheveux disparaissent, mais les autres gestes sont conservés. De même, dans le récit que fait le Prophète du sacrifice des enfants à la fin des Juifves, il est question de la réaction de Sédécie, leur père :
33 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 1987-1994, p. 145...
Et ce pendant le pere
Voyant choir à ses pieds sa geniture chere,
Qui l’appelle en mourant, et qui luy tend les bras,
Transpercé de douleur, donne du chef à bas,
S’outrage de ses fers, se voître contre terre,
Et tasche à se briser le test contre une pierre :
Rugist comme un lyon, ronge ses vestemens,
Adjure terre et ciel, et tous les elemens33.
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34 Dans un passage souvent cité, Horace concentre l’aptum...
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35 Rappelons qu’un chœur doit être non mixte à la Renaiss...
18Sédécie « ronge » plutôt que de « déchirer » ses vêtements, il s’outrage, non la « poitrine » mais la « test[e] » et il « rugist comme un lyon » : nous voyons là l’adaptation masculine des gestes du deuil. Surtout, si le spectateur entend parler de ces gestes masculins, il est bien une différence majeure avec ceux du deuil féminin : il ne les voit jamais accomplis sur scène. Peut-être faut-il y voir dès lors le respect d’une règle de convenance, qui implique qu’à chaque sexe corresponde un type d’activités34 : ainsi, trois chœurs masculins sont caractérisés par leur activité guerrière (les chasseurs d’Hippolyte, les soldats de Porcie et les Césariens de Cornélie). Dans ces cas, la caractérisation sexuée et sociale du chœur permet de représenter un groupe spécifique qui évoque son mode de vie ; les pleureuses ne discourent pas sur leur condition, mais interviennent en tant que spécialistes d’un rituel social35.
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36 Nous nous référons à Jean Braybrook (« Robert Garnier ...
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37 R. Garnier, Porcie, éd. J.-C. Ternaux, Paris, Honoré C...
19Si la gestuelle est codifiée, il est mieux encore chez Robert Garnier une « orchestration du deuil », une mise en scène des gestes qui apparaît en tant que telle36. Dès Porcie, à l’acte V, la nourrice encourage le chœur dans ses lamentations, et, après le récit de la mort de l’héroïne, elle en règle le sujet, la tonalité et l’actio. Elle demande d’abord au chœur de pleurer Brutus : « Chantons d’une vois / Brute notre support37 ». Ensuite, elle réoriente les plaintes vers Porcie :
38 Ibid., v. 1965-1968, p. 117.
C’est assez pour luy,
Nostre Brute est contant,
Faites qu’aujourd’huy
Porcie en ait autant38.
20Elle invite enfin les Romaines à pleurer sur leur propre sort puisque les guerres civiles ne voient pas leurs conséquences limitées aux Grands :
39 Ibid., v. 1993-1996, p. 118.
Plorez, filles plorez pour vos propres miseres,
Qui retiendrez icy vos ames prisonnieres,
Plorez vostre malheur, plorez, helas ! plorez
Les infinis tourmens que vous endurerez39.
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40 Voir Sénèque, Les Troyennes, dans Tragédies, éd. F.-R....
21D’après l’éditeur, la source de cette scène de Porcie se trouve précisément dans Les Troyennes de Sénèque40 ; nous retrouvons donc cette configuration à l’acte I de La Troade, où Hécube règle la mise en œuvre de ces gestes par le chœur :
41 R. Garnier, La Troade, op. cit., v. 117-124, p. 389. I...
Mais, pourquoy, cher troupeau : pourquoy filles captives
N’emplissez-vous de cris ces resonnantes rives ?
Pourquoy cessent vos pleurs, et pourquoy cessez-vous
D’ouvrir vostre poitrine et la plomber de coups ?
Pleurons nostre Ilion, ô filles, pleurons Troye,
Et que le Ciel sanglant nos cris funebres oye.
Les obseques faisons de Troye, et que les bois
D’Ide malencontreuse entendent nostre voix41.
22Dès lors, une plainte partagée s’installe entre Hécube et les Troyennes :
42 Ibid., v. 149-160., p. 390-391.
Le chœur. Allez Royne venerable
Lamentez vostre accident,
Levez la main miserable,
Nous vous irons secondant.
Las ! nous vous suivrons, chetives,
Vos plaintes accompagnant :
Aux pleurs qui nous vont baignant
Nous ne sommes apprentives.
Hecube. Sus donc, compagnes fideles
De nos malheurs, déliez
Déliez les tresses belles
De vos cheveux deliez42.
23D’autres gestes du deuil sont mis en œuvre, et c’est bien Hécube qui décide d’y mettre fin, ce qu’elle exprime en reprenant l’alexandrin :
43 Ibid., v. 257-260, p. 394-395.
Cessez, filles, cessez vos langoureuses plaintes,
Estouffez les soupirs de vos ames contraintes,
Laissez laissez vos pleurs, vos gemissables pleurs,
Laissez vos tristes chants, et les tournez ailleurs43.
24Hécube propose ici une direction d’acteurs : de sa parole dépendent les gestes mis en œuvre par les Troyennes. Dans Les Juifves, c’est d’abord le chœur qui demande à Amital de l’accompagner dans ses larmes :
44 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 393-396, p. 64.
Royne mere des Rois du desastreux Sion,
Ores nostre compagne en dure affliction,
Souspirez, larmoyez nos cruels infortunes,
Et comme ils sont communs, soyent nos larmes communes44.
25La reine recommande ensuite les gestes rituels :
45 Ibid., v. 473-476, p. 67. Amital détourne ensuite ces ...
Amital. Rompons nos vestemens, decouvrons nostre sein,
Aigrissons contre luy nostre bourrelle main :
N’épargnons nos cheveux et nos visages tendres,
Couvrons nos dos de sacs, et nos testes de cendres45.
26Seule Antigone, qui utilise l’apostrophe « mes sœurs », ne fait que mettre un terme aux gestes de deuil – et nous apprend donc que le chœur les déploie :
46 R. Garnier, Antigone, éd. J.-D. Beaudin, Paris, Honoré...
Vous degoutez de pleurs, vos yeux en sont noyez,
Ne larmoyez pour moy, mes sœurs, ne larmoyez,
Pourquoy sanglotez vous ? pourquoy vos seins d’albâtre
Allez-vous meurtrissant de force de vous battre46 ?
27Dans le deuil orchestré par Garnier, les chœurs de pleureuses ont une place majeure : le dramaturge explore différentes interactions possibles avec les personnages individualisés et insiste sur la dimension spectaculaire de ces gestes, permettant d’exercer ponctuellement les héroïnes à la direction d’acteur. En tant que rituel spectaculaire orchestré par les héroïnes, le deuil tient une place majeure dans la représentation tragique.
Les pleureuses au cœur du spectacle tragique
28L’unique source directe de ces scènes d’orchestration du deuil est Les Troyennes de Sénèque, que les éditeurs invoquent pour La Troade mais également pour les autres passages étudiés. Comment comprendre alors que les pleureuses se répandent dans l’œuvre de Garnier ?
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47 Sur la volonté des dramaturges de la Renaissance de fa...
29On pourrait avancer que ces gestes donnent une connotation antique au spectacle : entendant faire revivre le théâtre antique, le dramaturge systématiserait la présence de ces femmes, pour donner une place aux gestes du deuil ainsi qu’à la forme du thrène47. Au-delà du modèle théâtral, il s’agirait de donner sa place à une forme de folklore, puisque cette fonction des femmes est attestée historiquement, depuis l’Antiquité et jusqu’à l’époque moderne. En 1581, Claude Guichard évoque les « femmes à gages », qui animaient encore les rites funéraires des premiers chrétiens :
48 C. Guichard, Funérailles et diverses manieres d’enseve...
Ils prenoyent des femmes à gages pour pleurer, ce qu’encor aujourdhuy on observe en quelques endroits d’Italie : Tant elles que les parentes en demonstration de leur deuil se blessoyent les bras jusques au sang, s’arrachoyent les cheveux, esgratignoyent la face, se retroussoyent jusques au coude, et s’affeubloyent au demeurant de noir48.
30Ce traité montre à quel point le rituel funéraire code les comportements de façon genrée. En 1575, Belleforest rapporte ces coutumes à la Grèce, mais aussi à la Gascogne :
49 F. de Belleforest, Cosmographie, part 2, cité par D. A...
Et cecy ne se fait pas seulement en Grèce, veu que nostre Gascoigne use encor de ces sottes façons de faire et qu’en Bigorre on prend des femmes pour plourer les morts et lesquelles font un pareil service et crierie que ces urleuses et pleureuses de la Grèce49.
31Ainsi, les chœurs de pleureuses auraient une valeur de vraisemblance historique dans les pièces à sujet antique, mais elles font partie du monde contemporain du spectateur ; elles sont néanmoins perçues assez négativement, et Guichard comme Belleforest conservent une étrangeté chronologique ou géographique. Dès lors, concernant la représentation, il faut envisager une mise en œuvre au moins partielle du rite, et rien n’interdit de penser que les acteurs et actrices pouvaient accomplir avec le plus de fidélité possible au texte ces gestes culturellement prévus et codifiés, connus et peut-être vus des contemporains.
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50 Voir L. Frappier, « Le spectacle des passions sur la s...
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51 V. Dupuis, Le tragique et le féminin. Essai sur la poé...
32Au-delà du rapport à l’Antiquité, il faut encore comprendre les pleureuses dans la conception tragique spécifique de Robert Garnier. La critique a largement étudié l’importance et le caractère spectaculaire de la lamentation chez le dramaturge50. Vincent Dupuis fait de la femme en deuil l’image même de ce théâtre : elle incarnerait la « poétique de la déploration » propre à Garnier51. De même, Gillian Jondorf considère que la femme en deuil (« Mourning Woman ») est caractéristique (« characteristic figure ») du théâtre de Garnier :
52 G. Jondorf, Robert Garnier and the Themes of Political...
Her grief may be for sons (Jocaste), a husband (Porcie, Cornélie), a lover (Cléopâtre, Phèdre), or a whole nation (Hécube, Amital) ; whichever of these she mourns, she is the most eloquent figure in Garnier’s tragedy, and often voices his compassion and respect for the victims of war52.
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53 On peut citer à ce sujet ces mots de Jean Emelina : « ...
33Mais précisément, plus encore que « la femme » en deuil, il nous semble que les pleureuses – les femmes en deuil – révèlent le sens profond du tragique chez Garnier : le malheur n’est plus chez lui individuel mais collectif53. Dès Porcie, le deuil de l’héroïne, qui perd son époux, est représentatif d’un malheur plus global, celui des guerres civiles romaines. C’est ce qu’exprime la nourrice, qui rapporte le retournement de fortune à la ville de Rome :
54 R. Garnier, Porcie, op. cit., v. 403-409, p. 58.
La Nourrice. Quiconques voudra voir combien est tromperesse
La faveur que depart l’inconstante Deesse,
Et combien follement nous tourmentons nos cœurs
Apres la vanité de ces vaines grandeurs.
Qui voudra voir combien les puissances mondaines
Sujettes au destin balancent incertaines,
Rome, te vienne voir54.
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55 Ibid., « Argument », p. 43.
34En outre, la série des malheurs continue à l’acte V, puisque Porcie, puis la nourrice, se tuent. Si le dénouement est ainsi « ensanglanté55 », il augmente le nombre de personnages touchés par le renversement sur la scène. Le « chœur de filles » qui entre en scène à l’acte V s’exclame alors :
56 Ibid., v. 1827-1828, p. 112.
Chœur. Jamais pauvre Cité
Ne trouveras-tu fin à ta calamité56 ?
35La même analyse est possible pour Cornélie : Cicéron augmente d’emblée la portée du renversement en regrettant la « civile fureur » qui ravage Rome57. Plus tard, lorsque Cornélie se lamente auprès de lui de la mort de Pompée, le philosophe lui indique que « le desastre est commun », et précise : « Il n’est presque celuy qui de son parentage / Ne lamente quelqu’un en ce publique orage58 ». Le chœur semble alors se souvenir des propos de celui de Porcie :
59 Ibid., v. 1875-1876, p. 136.
Chœur. Jamais y eut-il ville où la calamité
Fit si cruel sejour qu’ore en cette cité59 ?
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60 Sur ces deux chœurs, voir notamment Bénédicte Louvat-M...
36Dans ces pièces, si le chœur de femmes se lamente, ce n’est donc pas seulement pour le sort d’un autre, mais également pour le sien : loin d’être des « femmes à gages », les pleureuses sont concernées par le renversement de fortune et expriment une douleur réelle. Dans La Troade et Les Juifves60, ce phénomène est peut-être encore amplifié, comme l’expriment les Juifves lorsqu’elles se lamentent de la mort de l’époux d’Amital :
61 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 419-421, p. 65.
Chœur. Las sa mort fut la nostre, et depuis, les miseres,
Renaissant coup sur coup, nous furent ordinaires.
Avec luy le Royaume eut un mesme trepas61.
-
62 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 294, p. 60. Sur l...
37Plus tôt à l’acte II, le chœur des « Juifves » indique « trebucher en captivité », comme d’autres héroïnes tragiques avant lui62. De même, Hécube signale dès l’ouverture de La Troade le caractère collectif du malheur :
63 R. Garnier, La Troade, op. cit., v. 1-10, p. 385. Garn...
Quiconque a son attente aux grandeurs de ce monde […]
Me vienne voir chetive, ô Troye ! et vienne voir
En cendres la grandeur que tu soulois avoir :
Nous vienne voir, ô Troye ! ô Troye ! et qu’il contemple
L’instable changement du monde, à nostre exemple63.
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64 Ibid., v. 1197, p. 439.
38Le passage du « je » au « nous » témoigne de l’implication du chœur, qui évoque lui-même « [ses] longues calamitez64 », et qu’Hécube désigne ainsi à l’acte III :
65 Ibid., v. 1235-1236, p. 440.
Compagnes, qui naguere estiez l’honneur de Troye,
Et maintenant des Grecs estes le vile proye65 […]
39Le chœur a lui aussi subi un renversement de fortune. La collectivité du « desastre » est un élément essentiel de l’interprétation du spectacle tragique de Garnier : les chœurs de pleureuses témoignent alors de l’élargissement du malheur en temps de guerres civiles.
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66 Voir notamment ibid., v. 2565-1610, p. 499-501.
40Dès lors, nous pouvons envisager à nouveau le cas de La Troade, qui se distingue par l’absence de communauté des pleurs au moment du dénouement. Dans cette pièce, le chœur de femmes est déterminant dans le déroulement de l’intrigue. C’est lui qui ramène à Hécube le corps de Polyxène, à l’acte IV, et qui, en le lavant dans la mer, découvre le cadavre de son frère Polydore. Mieux encore, le chœur aide Hécube à se venger de Polymestor, et les femmes paraissent moins agir sous les ordres d’Hécube qu’en accord avec elle66. Là où bien des personnages secondaires auraient tenté de détourner la reine de la vengeance, le chœur s’associe immédiatement au projet qu’elle énonce à la fin de l’acte IV :
67 Ibid., v. 2282-2296, p. 486-487.
Chœur. Le Tyran est ici : car sçachant la nouvelle
De nostre sac Troyen, est venu l’infidelle
Aux obseques de Troye, à fin de butiner
Et d’offrir son secours pour nous exterminer.
Nous pourrons feintement l’attirer en nos tentes
Sous espoir de proffit : nous vous serons aidantes67.
41Durant la réalisation du crime, le chœur se divise : une partie aide Hécube et l’autre, peut-être un coryphée, commente l’action. Ainsi, lorsqu’Hécube rapporte la vengeance, elle n’utilise pas le singulier mais le pluriel :
68 Ibid., v. 2488-2490, p. 496.
Ce sont là de nos faitcs, ce sont de nos proüesses,
Ce sont marques de nous et de nostre vertu :
Nous avons de tels jeux Polydore esbatu68.
42Polymestor lui-même reconnaît le rôle des femmes :
69 Ibid., v. 2521-2522, p. 498.
Hecube ceste vieille, et le troupeau captif
Des filles d’Ilion, m’ont ainsi fait chetif69.
43Il évoque plus loin les « Troades captives » qui l’ont reçu dans la tente70 : c’est bien au moment de la réalisation du crime que le titre prend son sens, que le collectif de femmes accomplit peut-être « la troade », son propre exploit épique. Or, au-delà des commentaires misogynes de Polymestor71, le sexe du chœur est nécessaire à la vengeance puisqu’Hécube utilise les préjugés du roi sur la faiblesse des femmes pour le faire entrer dans la tente :
Polymestor. Qui maintenant y est ?
72 Ibid., v. 2436, p. 494.
Hécube. Des femmes gemissantes72.
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73 Voir Euripide, Hécube, éd. L. Méridier revue par N. Lo...
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74 Voir N. Loraux, La voix endeuillée. Essai sur la tragé...
44Chez Euripide, c’est Polymestor qui demande à Hécube si les tentes sont « vides de mâles » ; ce n’est donc pas elle qui utilise le lieu commun à ses fins mais lui qui sous-estime la force féminine73. Hécube détourne ici la topique auprès de Polymestor, et, en ajoutant l’idée des gémissements, forme la moins aboutie du deuil74, Garnier détourne le procédé qu’il a employé jusqu’ici : pour une fois, la tragédie ne s’achèvera précisément pas avec les lamentations des pleureuses. L’ironie d’Hécube résonne donc tout singulièrement si l’on songe à l’ensemble des pièces de Garnier. Enfin, la reine reste sur scène pour se lamenter et pour s’indigner une dernière fois :
75 Ibid., v. 2661-2666, p. 503. Comme l’a montré Marie-Ma...
Hec. Et vous, Dieux, le sçavez et vous n’en faites cas !
Et vous, Dieux, le voyez, et ne nous vengez pas !
Ce seul Roy, le loyer de ses cruautez porte,
Ce qui fait toutefois que je me reconforte,
Et m’allaitte d’espoir, que quelques-uns encor
Pourront estre punis comme Polymestor75.
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76 R. Garnier, La Troade, op. cit., note sur les vers 266...
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77 Voir les analyses de Nicole Loraux qui évoque le passa...
45La tragédie s’achève sur un futur : « plus qu’un avertissement aux Achéens, il pourrait s’agir d’une nouvelle et sévère Remonstrance au peuple de France »76, pour Jean-Dominique Beaudin. Dans notre perspective, Hécube clôt la tragédie sur l’idée que, si les dieux ne font pas justice, les femmes peuvent s’en charger – c’est ce qu’ont démontré Hécube et les Troyennes dans la pièce et, in fine, la reine insiste sur le caractère reproductible de leur action. La Troade indique donc que le deuil féminin peut aisément se retourner en énergie vengeresse – et peut-être Hécube encourage-t-elle les spectatrices à reproduire son cheminement – ; la pièce révèle alors les dangers du deuil des femmes77, qui restent néanmoins contenus dans les autres pièces.
Conclusion
46Quoique l’ensemble des listes des dramatis personae n’en rendent pas compte, les pleureuses sont présentes dans chacune des tragédies de Robert Garnier. Dans Porcie et Antigone, Garnier ne fait monter le chœur féminin sur la scène que pour lui faire pleurer la catastrophe. Dans Hippolyte et Cornélie, les indications sont moins précises : les chœurs féminins ne sont pas annoncés, si bien qu’il est plus difficile de délimiter leur présence, mais ils sont là au moins au moment de la catastrophe. Dans Marc-Antoine et Les Juifves, des personnages secondaires suffisent à constituer le collectif de femmes qui pleure le dénouement. Dès lors, seule La Troade se démarque : si les gestes du deuil y tiennent une large place, ils n’apparaissent pas à la toute fin de la pièce. Or, les éditeurs des tragédies considèrent précisément que Les Troyennes de Sénèque sont la source directe de la plupart des scènes de deuil dans les pièces de Garnier. En effet, nous retrouvons à chaque fois la même gestuelle, ce qui n’est pas étonnant puisque celle-ci est codifiée, mais mieux encore une « orchestration du deuil » issue de celle d’Hécube dans Les Troyennes : la reine dirige le sujet et l’actio du rite qu’elle accomplit avec le chœur. Dès lors, comment comprendre que Garnier exporte le modèle des Troyennes dans plusieurs de ses pièces ? On pourrait considérer que ce rite connote la tragédie antique, et mieux encore, l’Antiquité elle-même. Plus spécifiquement, il permet à Garnier de rendre plus spectaculaire l’élargissement du malheur, qui caractérise sa vision du tragique en temps de guerres civiles. Enfin, cas particulier de l’œuvre de Garnier puisqu’elle ne s’achève pas avec un collectif de pleureuses, La Troade témoigne du fait que l’énergie physique et psychique déployée dans le rite du deuil peut bien se transformer en force vengeresse : dans l’univers tragique au moins, les « femmes gémissantes » peuvent parfois masquer des meurtrières.
Notes
1 J. Peletier du Mans, « A tresvertueux et noble homme Crestofle Perot Ecuier Seneschal du Maine », Œuvres complètes, tome 1, éd. M. Jourde, J.-C. Monferran et J. Vignes, Paris, H. Champion, 2011, p. 103.
2 F. Charpentier, Pour une lecture de la tragédie humaniste. Jodelle, Garnier, Montchrestien, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1979, p. 18.
3 O. Millet, « Voix d’auteur, voix du peuple ? L’identité et le rôle du chœur dans les tragédies françaises de la Renaissance à la lumière des interprétations humanistes de l’Art poétique d’Horace », Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte, 2006, no 30, 1‑2, p. 85‑98.
4 Pour un aperçu historique de ces pratiques, on consultera en priorité Jean-Luc Laffont, « Les pleureuses et crieuses d’enterrements dans la France méridionale », Études sur la mort, 2013, n° 144, p. 111-130. Nous renvoyons à sa bibliographie pour un aperçu plus complet.
5 Sur ce point, voir N. Huston, « Pleureuses et rieuses, la guerre racontée aux femmes », Les Temps Modernes, vol. 38, n° 427, février 1982, p. 1478-1498. Pour la tragédie antique, C. Nancy, Euripide ou le parti des femmes, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2016 notamment p. 13-33, et pour celle de la Renaissance E. Buron, « La Renaissance de la tragédie ou le spectacle de la parole. Vue et parole dans les tragédies d’Estienne Jodelle », M. Gally et M. Jourde (dir.), L’Inscription du regard : Moyen-Âge, Renaissance, Fontenay aux Roses, Éns éditions, 1995, p. 127‑168.
6 Voir N. Loraux, Les Mères en deuil, Paris, Seuil, 1990.
7 Notons que celle-ci ne prend pas toujours ce nom, puisque, comme l’a montré Bénédicte Louvat-Molozay (« Les noms du personnage de théâtre de Laudun à d’Aubignac », M. Jourde et J.‑C. Monferran (dir.) Le Lexique métalittéraire français (xvie-xviie siècles), Genève, Droz, 2006, p. 108 sq.), le terme de « personnage » utilisé par la première génération y est progressivement concurrencé par celui d’« entreparleur », puis par celui d’« acteur ». Pour une vision chronologiquement et géographiquement plus large, on pourra consulter Véronique Lochert, L’Écriture du spectacle. Les didascalies dans le théâtre européen aux xvie et xviie siècles, Genève, Droz, 2009, en particulier « La liste des personnages », p. 397-424. Sur ces listes, voir également G. Zaragoza, Le Personnage de théâtre, Paris, Armand Colin, 2006, p. 20-21, et V. Lochert, « Entreparleur, acteur, personnage : who’s who dans les listes de dramatis personae aux xvie et xviie siècles ? », F. Lavocat, C. Murcia, R. Salado (dir.), La Fabrique du personnage, Paris, Honoré Champion, 2007, p. 55-67.
8 Comme le note Jean-Dominique Beaudin (« Sophocle, modèle de R. Garnier », Seizième siècle, 2010, n° 6, p. 33-38), ce chœur de jeunes filles ne se trouve pas chez Sophocle.
9 Outre la liste initiale, chaque tableau est précédé d’une liste intermédiaire, qui indique quels personnages vont y prendre la parole, pour des raisons moins dramatiques que typographiques : il s’agit de donner le nom entier des personnages dont on ne donnera plus ensuite, pour des raisons de place, que les trois premières lettres. Voir E. Buron, « La dramaturgie d’Hippolyte et des Juifves », E. Buron (dir.), Lectures de R. Garnier : Hippolyte, Les Juifves, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2000, p. 64.
10 R. Garnier, Cornélie, éd. J.-C. Ternaux, Paris, Honoré Champion, 2002, v. 1458-1534, p. 119-122.
11 Cette pièce est la seule avec Hippolyte dont l’édition princeps est attribuée à Robert Estienne, et non à Mamert Patisson ; pour Hippolyte néanmoins, ce sont bien deux chœurs qui sont annoncés. Lorsque Cornélie est à nouveau imprimée en 1582 chez Mamert Patisson, en 1585 chez Robert Estienne, puis en 1588 dans l’édition non revue par l’auteur, la même liste est reprise.
12 R. Garnier, Cornélie, op. cit., v. 623-628, p. 75. L’éditeur rapproche ces vers des vers 245-249 du Iulius Caesar, où la Nourrice interroge Calpurnie sur la source de son deuil, ibid., note 150, p. 75.
13 À la fin de l’acte, le chœur indéterminé revient, voir R. Garnier, Cornélie, op. cit., v. 985-1064.
14 R. Garnier, Cornelie, op. cit., v. 1899-1910, p. 137. En 1568, le deuil collectif était plus net, puisque Cornélie répondait : « Pleurons Dames pleurons, nous n’avons autres armes / Contre nostre malheur qu’un long torrent de larmes : / Pleurons le grand Pompée, et pleurons le trespas / De mon cher Geniteur, des poissons le repas », voir ibid., p. 150.
15 Voir R. Garnier, Cornélie, op. cit., v. 551-622, p. 71-73.
16 Dans son article sur les chœurs d’Hippolyte (« Les chœurs d’Hippolyte et la dialectique entre tragique et lyrisme », Studi di Letteratura Francese, janv. 1992, vol. 18, p. 95), Silvio Ferrari indique que ce dernier chœur est composé des « suivantes de Phèdre » mais ne développe pas.
17 R. Garnier, Hippolyte, éd. J.-D. Beaudin, Paris, Classiques Garnier, 2019, v. 2261-2264, p. 177.
18 L’absence d’identification précise du chœur à chaque acte rend problématique leur lecture : soit il faut considérer que le chœur d’athéniens intervient des actes II à IV, mais alors il se contredit lui-même – ou évolue en fonction des comportements observés –, soit que le chœur de chasseurs revient à l’acte III, voire à l’acte IV, soit au contraire que nous avions à l’acte II (où le chœur exprime de l’empathie pour Phèdre, qu’il nomme “miserable dame”), les femmes, compagnes de Phèdre, qui reviennent à l’acte V pour se lamenter.
19 R. Garnier, Marc-Antoine, éd. J.-C. Ternaux, Paris, Garnier, 2010, v. 1982-1988, p. 113. M.-M. Mouflard (R. Garnier. 1545‑1590, III : Les sources, La Roche-sur-Yon, Imprimerie Centrale de l’Ouest, 1964, p. 43) cite Les Troyennes comme source principale de ce passage de lamentation.
20 R. Garnier, Les Juives, éd. M. Jeanneret, Paris, Gallimard, 2007, p. 146, v. 2013-2014. On trouve la même ambiguïté à l’acte III, lorsqu’Amital demande au « dolent troupeau » de prier avec elle Nabuchodonosor pour l’attendrir (v. 975 sq., p. 93) : le chœur n’est pas annoncé par la liste intermédiaire et ce sont les Reines qui lui répondent, mais il reste possible de considérer que le chœur se trouve sur scène.
21 Emmanuel Buron considère du reste qu’elles sont un « sous-groupe » du chœur (« La dramaturgie d’Hippolyte et Les Juifves », art. cit., p. 68).
22 L’absence de prise de parole du chœur à l’acte V est en outre plus conforme au modèle grec de la tragédie.
23 O. Millet, « La représentation du corps souffrant dans la tragédie humaniste et baroque (1550-1630) » M.-M. Fragonard (dir.), Par Ta colère nous sommes consumés. Jean de la Taille auteur tragique, Orléans, 1998, p. 304-309.
24 R. Garnier, Hippolyte, op. cit., v. 2269-2272, p. 177.
25 Pour une analyse de ces chants déploratifs et de leur structure, voir F. Dobby-Poirson, Le Pathétique dans le théâtre de R. Garnier, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 359-374, F. Charpentier, « Naissance de la tragédie poétique en France », Par Ta colère nous sommes consumés, op. cit., p. 78 et O. Millet, « La tragédie humaniste de la Renaissance (1550-1580) et le sacré », A. Bouvier Cavoret (dir.), Le Théâtre et le sacré, Paris, Klincksieck, 1996, p. 69-94.
26 R. Garnier, Hippolyte, op. cit., v. 2301-2304, p. 178.
27 R. Garnier, La Troade, op. cit., v. 165-176, p. 391 puis 189-196, p. 392.
28 Ibid., v. 159-160, p. 391. De même, lorsqu’Andromaque trouve le chœur au début de l’acte II, elle indique encore que les troyennes arrachent leurs « tresses blondissantes », pleurent et se battent l’estomac (v. 557-560, p. 410).
29 D’après Danièle Alexandre-Bidon, cela s’explique par le caractère extraordinaire de l’expérience de la mort : « La mort est une rupture. Dans bien des cas, les gestes qui l’accompagnent constituent eux aussi une double rupture : rupture avec la morale chrétienne des gestes, qui suppose une modestie de la tenue, rupture avec la vie normale, qu’exacerbe la gesticulation mortuaire. Car les gestes du deuil ne relèvent pas de l’acceptation calme et sereine de la mort et de la décision divine. En la matière, l’excès est la règle, voire la norme supportée, sinon souhaitée, par l’Église qui n’a jamais pu efficacement interdire les désordres et empêcher les manifestations de la douleur ». En outre, ces gestes n’en sont pas moins « une réponse organisée à un événement perturbant et dramatique » puisqu’ils sont codifiés. Voir « Gestes et expressions du deuil », D. Alexandre-Bidon et C. Treffort (dir.), À réveiller les morts. La mort au quotidien dans l’Occident médiéval, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1993, p. 121.
30 « Dès l’abord, il faut souligner que les pleureuses et les cris d’enterrements sont unanimement présentés (par les contemporains d’abord, les ethnologues, anthropologues et historiens ensuite) comme une pratique exclusivement féminine, ce qui se vérifie en tout temps et lieux », J.-L. Laffont, « Les pleureuses et crieuses d’enterrements dans la France méridionale », op. cit., p. 112.
31 H. Monsacré, Les Larmes d’Achille. Le Héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère, Paris, Albin Michel, 1984, notamment p. 33-34 et 142-143.
32 R. Garnier, Hippolyte, op. cit., v. 2139-2142, p. 171.
33 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 1987-1994, p. 145. D’après M.-M. Mouflard, op. cit., p. 77, cette description de la douleur paternelle ne se trouve pas dans la source sénéquienne de cette scène (Thyeste) ; nous n’en avons pas trouvé la source. Plus tôt dans le récit, le prophète évoque aussi les gestes de deuil réalisés par les témoins de la scène (v. 1931-1936, p. 142).
34 Dans un passage souvent cité, Horace concentre l’aptum du personnage sur la question de l’âge, en définissant quatre périodes : l’enfance, la jeunesse, l’âge adulte, la vieillesse (Art poétique, v. 156-178, éd. F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, [1934], 1989, p. 210-212). L’idée est que la représentation doit coïncider avec ce qui est attendu du spectateur : chaque personnage devra parler de façon convenable pour son âge. Des vers 112 à 118, Horace évoque d’autres critères : « Il sera très important d’observer si c’est un dieu qui parle ou un héros, un vieillard mûri par le temps ou un homme encore dans la fleur d’une fougueuse jeunesse, une dame de haut rang ou une nourrice empressée, un marchand qui court le monde ou le cultivateur d’un petit domaine verdoyant, un Colchidien ou un Assyrien, un fils de Thèbes ou un fils d’Argos » (ibid., v. 112-118, p. 208). Il est ici question d’adapter le langage et les propos du personnage à ses caractéristiques de sexe, d’âge, d’ethnie et de statut social. Nous développons ce point dans notre thèse, « D’une voix et plaintive et hardie ». La tragédie française et le féminin entre 1537 et 1583, à paraître.
35 Rappelons qu’un chœur doit être non mixte à la Renaissance, ce sur quoi nous sommes également revenue dans notre thèse à paraître.
36 Nous nous référons à Jean Braybrook (« Robert Garnier et l’orchestration du deuil », Revue des Amis de Ronsard, 2014, n° 27, p. 67-85), même s’il n’étudie pas spécifiquement la manière dont les personnages individualisés peuvent guider le chœur dans les gestes du deuil. L’article rend compte de l’omniprésence des larmes dans le théâtre de Garnier, interroge leur portée politique ainsi que leur effet sur le spectateur.
37 R. Garnier, Porcie, éd. J.-C. Ternaux, Paris, Honoré Champion, 1999, v. 1945-1946, p. 116.
38 Ibid., v. 1965-1968, p. 117.
39 Ibid., v. 1993-1996, p. 118.
40 Voir Sénèque, Les Troyennes, dans Tragédies, éd. F.-R. Chaumartin et O. Sers, Paris, Les Belles Lettres, 2013, v. 63-162, p. 474-481. Certaines expressions sont directement traduites, par exemple, concernant les vers cités, « c’est assez pour luy » traduit « satis Hector habet » (ibid., v. 130, p. 478).
41 R. Garnier, La Troade, op. cit., v. 117-124, p. 389. Ici Garnier suit Sénèque d’assez près.
42 Ibid., v. 149-160., p. 390-391.
43 Ibid., v. 257-260, p. 394-395.
44 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 393-396, p. 64.
45 Ibid., v. 473-476, p. 67. Amital détourne ensuite ces gestes en prière faite à Dieu, ce qui est une particularité de cette tragédie biblique : « Amital. Levons nos mains au ciel et nos larmoyans yeux, / Jettons-nous à genoux d’un cœur devotieux, / Et soupirant ensemble à sa majesté haute, / Le prions qu’il luy plaise effacer nostre faute », ibid., v. 536-540, p. 70, puis le chœur l’invite à se lever (« Madame levons-nous, levons nous ») lorsque la reine arrive, ibid., v. 565, p. 71.
46 R. Garnier, Antigone, éd. J.-D. Beaudin, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 153, v. 2222-2225.
47 Sur la volonté des dramaturges de la Renaissance de faire revivre le spectacle antique, on consultera par exemple O. Millet, « Faire parler les morts : l’ombre protatique comme prosopopée dans les tragédies françaises de la Renaissance », F. Lavocat, F. Lecercle (dir.), Dramaturgies de l’ombre. Actes du colloque organisé à Paris IV et Paris VII (27-30 mars 2002), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 85-100. Pour le thrène, ou sa forme tragique, le kommos, rappelons qu’Aristote le définit comme « un chant de lamentation commun au chœur et aux acteurs sur scène », Poétique, éd. M. Magnien, Paris, Librairie Générale Française, 1990, p. 102, 1452b ; on consultera également sur ce point F. Dobby-Poirson, Le Pathétique dans le théâtre de R. Garnier, op. cit., p. 359-374.
48 C. Guichard, Funérailles et diverses manieres d’ensevelir des Romains, Grecs, et autres nations, Lyon, Jean de Tournes, 1581, fol. 519, en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k79187r (page consultée le 20 novembre 2019). Il évoque ensuite la condamnation de ces gestes depuis Jean Chrysostome. Pour les pleureuses romaines, voir ibid. par exemple fol. 26, fol. 34 et notamment fol. 39 pour les femmes qui « feignent » les larmes pour susciter la compassion : il insiste sur la codification et l’importance des larmes féminines (« Car sans pleurs ne se devoyent porter les funerailles ») et montre, notamment fol. 45 que les gestes du deuil diffèrent selon le sexe des endeuillées (« ainsy la loy attribuant à chasque sexe ce qui luy est propre, a faict ce qui est bienseant et convenable à chacun »). Il décrit alors les gestes féminins, menés par la proche parente, et suivis par d’autres : « ayant les cheveux destressés et pendans, se battant à nud la poictrine, s’escriant et lamentant amerement et appellant souvent le mort par son nom ». Pour les gestes de deuil des femmes grecques, cette fois moins ritualisés, voir fol. 251 notamment, où il explique que c’est non un collectif mais la plus proche parente du défunt qui se lamente : « Et en signe d’extreme douleur, deschiroit ses habillemens, s’esgratignoit la gorge et la face, et s’arrachoit les cheveux de la teste, ou bien les couppoit, et en couvroit apres et environnoit le corps du trespassé », avant les lamentations collectives.
49 F. de Belleforest, Cosmographie, part 2, cité par D. Alexandre-Bidon, loc. cit., p. 128. D’après J.-L. Laffont (loc. cit.), ces pratiques sont encore vivaces dans la France méridionale du xvie siècle malgré leur condamnation par les autorités.
50 Voir L. Frappier, « Le spectacle des passions sur la scène humaniste : fonction et statut de la lamentation dans les tragédies profanes de R. Garnier », dans M.-F. Wagner, L. Frappier et C. Latraverse (dir.), Les jeux de l’échange : entrées solennelles et divertissements du xvie au xviie siècle, Paris, Honoré Champion, 2007, p. 319-341 ainsi que V. Dupuis, « Figures du deuil féminin dans le théâtre de Robert Garnier », RHR, juin 2015, n° 80, p. 15-38.
51 V. Dupuis, Le tragique et le féminin. Essai sur la poétique française de la tragédie (1553-1663), Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 99-120.
52 G. Jondorf, Robert Garnier and the Themes of Political Tragedy in the Sixteenth Century, London, Cambridge University Press, 1969, p. 144-145.
53 On peut citer à ce sujet ces mots de Jean Emelina : « Ce qui meurt d’abord chez Garnier et qui va fournir d’acte en acte matière à d’amples déplorations lyriques, c’est un pays, c’est un peuple. Tragédies collectives dont les héros n’offrent que l’illustration dernière ; derniers soubresauts au sein d’une désolation générale orchestrée par le chœur ». Voir « La mort dans les tragédies de R. Garnier », M. Accarie (dir.), Mélanges J. Larmat : Regards sur le Moyen Âge et la Renaissance, Paris, Les Belles Lettres, 1983, p. 322.
54 R. Garnier, Porcie, op. cit., v. 403-409, p. 58.
55 Ibid., « Argument », p. 43.
56 Ibid., v. 1827-1828, p. 112.
57 R. Garnier, Cornélie, op. cit., v. 49, p. 45. Voir aussi l’acte III, où Cicéron fait de la « cité » la victime du renversement de fortune, ibid., v. 745-830, p. 82-85.
58 Ibid., v. 435-440, p. 63.
59 Ibid., v. 1875-1876, p. 136.
60 Sur ces deux chœurs, voir notamment Bénédicte Louvat-Molozay, Théâtre et musique : dramaturgie de l’insertion musicale dans le théâtre français (1550-1680), Paris, Honoré Champion, 2002, p. 199-212. Elle montre que ces deux tragédies étaient caractérisées par une importance plus grande donnée au collectif ainsi que par une « thématisation de la plainte ».
61 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 419-421, p. 65.
62 R. Garnier, Les Juives, op. cit., v. 294, p. 60. Sur le rôle structurant du chœur dans la pièce, on consultera Trevor Peach, « More on Les Juifves : the function of the chorus », French Studies Bulletin: A Quarterly Supplement, winter 1998, vol. 6, no 21, p. 3‑6, qui décrit notamment le chœur comme « the key unifying force of the play », p. 4.
63 R. Garnier, La Troade, op. cit., v. 1-10, p. 385. Garnier suit ici Sénèque.
64 Ibid., v. 1197, p. 439.
65 Ibid., v. 1235-1236, p. 440.
66 Voir notamment ibid., v. 2565-1610, p. 499-501.
67 Ibid., v. 2282-2296, p. 486-487.
68 Ibid., v. 2488-2490, p. 496.
69 Ibid., v. 2521-2522, p. 498.
70 Ibid., v. 2572, p. 500.
71 « O l’execrable sexe », ibid., v. 2466, p. 495.
72 Ibid., v. 2436, p. 494.
73 Voir Euripide, Hécube, éd. L. Méridier revue par N. Loraux et F. Rey, Paris, Les Belles Lettres, 1999, v. 1015-1018, p. 83. Chez Bochetel, qui traduit Euripide en 1550, la réponse d’Hécube est également moins nette : « Polymnestor. Est ce lieu asseuré ? n’y a il aucuns hommes ? / Hecuba. Nul des Grecs, entre nous y sommes seulement ». La reine ne ment pas, mais utilise la confiance de Polymestor dans le lieu commun : pour lui, s’il n’y a « aucuns hommes », le lieu est « asseuré », sécurisé. Voir G. Bochetel, La Tragedie d’Euripide nommée Hecuba, Paris, Robert Estienne, 1550, fol. 61.
74 Voir N. Loraux, La voix endeuillée. Essai sur la tragédie grecque, Paris, Gallimard, 1999, p. 90.
75 Ibid., v. 2661-2666, p. 503. Comme l’a montré Marie-Madeleine Mouflard, l’acte V de la Troade est inspiré des Troyennes d’Euripide, mais la plainte finale d’Hécube remplace la malédiction de Polymestor. Cette plainte reprend un thème des Troyennes qu’Hécube développait plus tôt, celui de l’opposition du bonheur passé au malheur présent, mais elle ne présente pas de considération équivalente d’après nos recherches. Voir Euripide, Les Troyennes, op. cit., v. 475-510, p. 48-49.
76 R. Garnier, La Troade, op. cit., note sur les vers 2663-2666, p. 219.
77 Voir les analyses de Nicole Loraux qui évoque le passage « de la douleur à la colère » de certaines mères en deuil, notamment Hécube, dans Les Mères en deuil, op. cit., p. 67-85. Voir également L. Frappier, « Le spectacle des passions sur la scène humaniste », op. cit., p. 326.
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Quelques mots à propos de : Nina Hugot
Nina Hugot, agrégée de Lettres modernes, est maîtresse de conférences à l’université de Lorraine. Si elle s'est d'abord intéressée aux deux tragédies d'Étienne Jodelle, ses travaux se consacrent plus largement au genre tragique dans la France de la Renaissance et interrogent notamment le rôle des personnages de femmes et du féminin dans l’élaboration de l’esthétique tragique au XVIe siècle. Elle a soutenu en 2018 une thèse intitulée « Une femme peut bien s'armer de hardiesse ». La tragédie française et le féminin entre 1537 et 1583, à paraître. En 2019, elle rédige la partie littérature de l’Atlande sur Hippolyte et La Troade.